Dieudonné organisait samedi 22 près de Dreux (Eure-et-Loire), son "Bal des Quenelles" annuel. Un rassemblement, payant, qui a bien failli être interdit par la préfecture car accusé de "mettre à l’honneur le geste de la quenelle, dont la signification antisémite n’est pas douteuse".
Ils étaient près de 500 réunis chez Dieudonné pour son "goûter" spectacle aux allures de meeting politique aux accents antisémites, samedi 22 à Saint-Lubin-de-la-Haye (Eure-et-Loir) selon le journal L'Echo républicain. L'événement avait pourtant failli être annulé suite à un courrier de Sophie Brocas, préfète d'Eure-et-Loir, qui a envisagé de l'interdire "compte tenu de la thématique (...) qui vise à mettre à l’honneur le geste de la quenelle, dont la signification antisémite n’est pas douteuse" ainsi que du négationnisme promu lors des précédentes éditions.
Tout a commencé la semaine précédente par une passe d'armes entre la représentante de l'Etat et l'humoriste déjà plusieurs fois condamné pour incitation à la haine raciale. Au premier courrier de la préfecture cité ci-dessus, Dieudonné a répondu par une vidéo incendiaire mise en ligne jeudi 20. Entre deux provocations -il fait notamment semblant de fourcher pour insulter la préfète ("Sophie Grotas… pardon Brocas…")- il a surtout répondu à la préfecture sur le fond. "Cet événement n’est pas une réunion publique, ni au sens de la loi, ni au sens de la jurisprudence. Il s’agit d’une réunion privée et vous ne possédez aucun pouvoir pour venir (l')interdire ou (la) perturber", a-t-il ainsi argué, promettant d'aller jusqu'au tribunal si nécessaire.
Car l'enjeu était surtout financier pour Dieudonné, qui vendait des places à 20 euros pour cette "réunion privée"... La préfète Brocas a toutefois pris compte sa réponse et annoncé vendredi 21 lui faire "l'avance de la confiance" puisqu'il s'était "engag(é), par écrit, à ce qu'il n'y ait aucune dérive antisémite au cours de ce spectacle". Mais d'ajouter toutefois: "S'il ne respecte pas son engagement, je saisirai la justice". Contactée à plusieurs reprises ce mardi, la préfecture n'était pas joignable.
Dieudonné a-t-il tenu parole? Difficile à dire, tant la communication autour de l'événement a été verrouillée. Rien n'a été publié sur son site officiel, par exemple pour annoncer les résultats des "prix" douteux qu'il remet chaque année (les "Quenelles d'or"), et seulement quelques photos sur les réseaux sociaux. Cliché sur lesquels fourmillent toutefois les "quenelles", geste considéré antisémite depuis un jugement rendu par de la Cour d’appel de Paris en 2011.
Comme souvent avec Dieudonné le rassemblement dépassait en effet largement le cadre de l'humour, réel ou supposé. Au menu des "festivaliers" en attendant la prestation de l'hôte programmée le soir: petits concerts, animations et stands de livres. Un surtout a retenu l'attention, notamment du reporter de L'Echo républicain, car proposant à la vente des auteurs collaborationnistes, fascistes, négationnistes et antisémites tels que Maurras, Bardèche, Drumond, ou encore Jean-Marie Le Pen et Faurisson. Des hommes prônant tout sauf l'ambiance bon enfant et "amitié entre les peuples" que promettait Dieudonné.
Mais tout à fait le cadre pour croiser son ami Alain Soral, idéologue d'extrême droite et récidiviste de la haine antisémite, passé par le FN et animateur d'"Egalité et Réconciliation" qu'il a fondé avec des anciens néo-fascistes du GUD. Soral qui s'est d'ailleurs vanté d'avoir croisé sur place Vincent Lapierre (autre "star" de la fachosphère complotiste) qui voulait "se pavaner" au rassemblement. "Grand mal lui en a pris", glisse Soral. Etait également présent Yvan Benedetti, autre antisémite notoire, ex-FN et président "envers et contre tout" de l'œuvre française (mouvement pétainiste dissous suite à la mort de Clément Méric, en 2013), désormais au PNF de l'ancien SS Pierre Bousquet.
A noter enfin que ce "Bal des Quenelles" 2019 a aussi voire surtout, business oblige, été l'occasion pour Dieudonné de lancer une tournée de "73 dates dans toute la France" pour l'année à venir. Une tournée qui s'annonce compliquée pour celui dont les représentations sont régulièrement compromises par des arrêtés municipaux d'interdiction ou le refus des salles de l'héberger.
Pour se produire tout de même il a multiplié les stratagèmes ces dernières années, comme en 2018 lorsqu'il à fait passer sa société pour une marque de cosmétiques afin de pouvoir réserver un centre culturel du Nord… Un subterfuge encore réutilisé le mois dernier pour louer frauduleusement un château dans les Côtes-d'Armor, mais en assurant cette fois qu'une simple troupe de théâtre amateur allait se produire. Sur son site, Dieudonné en appelle même à ses soutiens qui seraient "propriétaires ou en relation directe avec un propriétaire d'une salle, un terrain ou un champ" à se manifester pour l'accueillir. Mais c'est peut-être juste parce qu'il n'y a pas de petits profits?
Source : francesoir.fr, 25 juin 2019