Élections législatives. La situation en France fait partir des juifs vers la Suisse

Élections législatives. La situation en France fait partir des juifs vers la Suisse

La hausse de l’antisémitisme et l’instabilité politique poussent des membres de la communauté juive française à vouloir s’installer dans notre pays.

Les tensions autour de la communauté juive française inquiètent ses membres et les poussent à partir en Suisse. Le président de la section suisse de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), l’avocat fiscaliste Philippe Kenel, témoigne en effet avoir reçu des demandes de personnes pour s’installer dans notre pays. «Le phénomène n’est pas encore massif mais, depuis quelques mois, on voit des gens qui veulent quitter la France car la communauté juive s’y sent menacée», rapporte-t-il.

La montée de l’antisémitisme provoqué par la guerre à Gaza et la possible victoire de l’extrême droite aux législatives anticipées remettent en question sa sécurité. «La communauté juive se sent particulièrement stigmatisée en France, tout comme elle l’est en Belgique et dans d’autres pays européens, explique Philippe Kenel. Mais, en France, elle est déstabilisée par la situation politique, essentiellement en cas d’arrivée du Rassemblement national (RN) au pouvoir.»

Le Nouveau Front populaire est lui aussi très haut dans les sondages, ce qui ne rassure pas les juifs de France. Sa composante principale, La France insoumise (LFI), est en effet accusée de relativiser l’attaque du 7 octobre, voire de dérive antisémite. «Une certaine gauche, celle de Jean-Luc Mélenchon, leur fait aussi peur, car elle s’est perdue dans l’antisémitisme à cause du conflit israélo-palestinien, souvent par électoralisme, regrette le président de la Licra Suisse. Je crains d’ailleurs qu’une partie de la communauté juive se mette à croire dans le RN alors que l’antisémitisme est dans son ADN.»

Rassurés par notre pays

Les Français de confession juive intéressés par la Suisse correspondent à deux profils, selon Philippe Kenel. Tout d’abord, il s’agit principalement de sexagénaires qui ont les moyens de s’y installer pour leur retraite. Une catégorie de personnes que l’on voyait déjà venir dans notre pays par le passé.

Et, fait nouveau, il y a désormais aussi des trentenaires et des quadragénaires qui veulent travailler en Suisse. «Ce sont des gens qui seraient sans doute allés en Israël avant le 7 octobre. Mais il y a aujourd’hui une certaine crainte quant à la situation du pays», indique l’avocat lausannois. Les personnes avec qui il a contact viennent surtout de la région parisienne et d’Alsace. Elles s’installent à Genève et dans le canton de Vaud.

Notre pays semble rassurer davantage que d’autres. «La communauté juive se sent plus en sécurité chez nous, bien qu’une hausse des actes antisémites ait été constatée, rapporte Philippe Kenel. Et notre pays ne présente pas un risque imminent d’arrivée au pouvoir d’un parti potentiellement ou clairement antisémite.»

La Suisse plus préservée

Secrétaire général de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad), Johanne Gurfinkiel dit ne pas avoir reçu de demandes venant de Français récemment mais confirme que les juifs de France s’interrogent quant à leur avenir dans le pays. «Il y a une inquiétude face à la montée de l’antisémitisme qui est bien présente chez nombre de Français de confession juive, témoigne-t-il. Notre pays est plus préservé que ses voisins dans le recours à la haine et à la violence, même si l’antisémitisme est aussi en hausse.»

Johanne Gurfinkiel estime que «le climat actuel en France oblige à garder une posture d’inquiétude et d’attente face à un climat anxiogène pour tout le monde» avant les législatives. «Pour moi, tant LFI que le RN génèrent la même angoisse et le même rejet, juge le secrétaire général de la Cicad. Si l’on veut des garanties de stabilité, il faudra envisager des partis plus engagés en faveur d’idéaux démocratiques et non les incendiaires que nous voyons agir depuis trop longtemps. Mais force est de constater que les sondages les désignent déjà comme les grands gagnants de ces élections législatives.»