Définition de l’antisémitisme

Définition

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Le terme antisémitisme prête à confusion et ne suffit pas à rendre compte de toutes les haines antijuives. Le phénomène est ancien et protéiforme ; il a évolué au cours des siècles et des sociétés. La judéophobie antique, l’antijudaïsme chrétien et la judéophobie antireligieuse des Lumières se sont succédés et confondus pour produire finalement la forme la plus racialiste et nationaliste de la haine antijuive : l’antisémitisme[1].

[1] TAGUIEFF Pierre-André, « Chapitre premier. Questions de mots : « racisme antijuif » et « antisémitisme » », dans L’antisémitisme. Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2015, p. 7-11. URL : https://www.cairn.info/l-antisemitisme–9782130549093-page-7.htm

Le terme antisémitisme a été inventé en 1879 par le journaliste antisémite allemand Wilhelm Marr, pour désigner la haine des Juifs et du judaïsme prônée au sein de l’association politique qu’il a fondée : La ligue antisémite.

L’antisémitisme de l’époque se concentre donc sur des traits prétendument permanents chez les Juifs en tant que groupe ethnique, afin de délégitimer leur statut d’égalité. Très rapidement, la distinction entre « aryen » et « sémite » se substitue à la plus ancienne opposition entre « chrétien » et « juif »[1]. Des théoriciens de l’anthropologie raciale légitimeront par la suite ces théories, en leur donnant un fondement pseudo-scientifique, qui influenceront directement la pensée politique des futurs dirigeants nazis[2].

Le manque de précision que recouvre l’utilisation de ce mot ne doit pas occulter un fait indéniable : le terme antisémitisme a toujours été appliqué aux Juifs pour désigner la haine à leur égard.

Le terme antisémitisme n’a jamais visé les « Sémites » en tant que tels. Le terme « sémite » désigne de facto un groupe de langues de la même famille comme l’hébreu, l’arabe, l’araméen, le babylonien, l’assyrien ou l’éthiopien et non pas un groupe ethnique.

Ainsi, toute argumentation visant à démontrer qu’un individu « Sémite » ne peut pas être antisémite n’est pas acceptable intellectuellement.

Antisémitisme

Pour effectuer son travail au mieux, la CICAD utilise la définition opérationnelle de l’antisémitisme de International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA). L’IHRA a été créée en 1998 par l’ancien président suédois Göran Persson et compte aujourd’hui 33 États-membres, dont la Suisse. L’IHRA promeut la coordination politique internationale afin de renforcer l’engagement moral des sociétés et lutter contre le négationnisme et l’antisémitisme.

La définition opérationnelle de l’IHRA, non-contraignante, a été adoptée par les États-membres le 26 mai 2016. Il s’agit d’une définition de travail qui fait l’unanimité au sein des associations luttant contre l’antisémitisme et pour la préservation de la mémoire de la Shoah. En 2021, le Conseil fédéral a confirmé l’adoption de la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, reconnaissant ainsi sa valeur et sa pertinence.

[1] Texte extrait de « De l’antijudaïsme à l’antisémitisme » sur le site Herodote.net : http://www.herodote.net/histoire/synthese.php?ID=24

[2] United States Holocaust Memorial Museum

Définition opérationnelle de l’antisémitisme de l’IHRA

« L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte. »

Exemples destinés à guider le travail de l’IHRA

L’antisémitisme peut se manifester par des attaques à l’encontre de l’État d’Israël lorsqu’il est perçu comme une collectivité juive. Cependant, critiquer Israël comme on critiquerait tout autre État ne peut pas être considéré comme de l’antisémitisme. L’antisémitisme consiste souvent à accuser les Juifs de conspirer contre l’humanité et, ce faisant, à les tenir responsables de « tous les problèmes du monde ». Il s’exprime à l’oral, à l’écrit, de façon graphique ou par des actions, et fait appel à des stéréotypes inquiétants et à des traits de caractère péjoratifs.

Parmi les exemples contemporains d’antisémitisme dans la vie publique, les médias, les écoles, le lieu de travail et la sphère religieuse, on peut citer, en fonction du contexte et de façon non exhaustive :

  • L’appel au meurtre ou à l’agression de Juifs, la participation à ces agissements ou leur justification au nom d’une idéologie radicale ou d’une vision extrémiste de la religion ;
  • La production d’affirmations fallacieuses, déshumanisantes, diabolisantes ou stéréotypées sur les Juifs ou le pouvoir des Juifs en tant que collectif comme notamment, mais pas uniquement, le mythe d’un complot juif ou d’un contrôle des médias, de l’économie, des pouvoirs publics ou d’autres institutions par les Juifs ;
  • Le reproche fait au peuple juif dans son ensemble d’être responsable d’actes, réels ou imaginaires, commis par un seul individu ou groupe juif, ou même d’actes commis par des personnes non juives ;
  • La négation des faits, de l’ampleur, des procédés (comme les chambres à gaz) ou du caractère intentionnel du génocide du peuple juif perpétré par l’Allemagne nationale-socialiste et ses soutiens et complices pendant la Seconde Guerre mondiale (l’Holocauste) ;
  • Le reproche fait au peuple juif ou à l’État d’Israël d’avoir inventé ou d’exagérer l’Holocauste ;
  • Le reproche fait aux citoyens juifs de servir davantage Israël ou les priorités supposés des Juifs à l’échelle mondiale que les intérêts de leur propre pays ;
  • Le refus du droit à l’autodétermination des Juifs, en affirmant par exemple que l’existence de l’État d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste ;
  • Le traitement inégalitaire de l’État d’Israël, à qui l’on demande d’adopter des comportements qui ne sont ni attendus ni exigés de tout autre État démocratique ;
  • L’utilisation de symboles et d’images associés à l’antisémitisme traditionnel (comme l’affirmation selon laquelle les Juifs auraient tué Jésus ou pratiqueraient des sacrifices humains) pour caractériser les Juifs et les Israéliens ;
  • L’établissement de comparaisons entre la politique israélienne contemporaine et celle des Nazis ;
  • L’idée selon laquelle les Juifs seraient collectivement responsables des actions de l’État d’Israël.

Infractions considérées par l’IHRA

Un acte antisémite est une infraction lorsqu’il est qualifié ainsi par la loi (c’est le cas, par exemple, du déni de l’existence de l’Holocauste ou de la diffusion de contenus antisémites dans certains pays)

Une infraction est qualifiée d’antisémite lorsque les victimes ou les biens touchés (comme des bâtiments, des écoles, des lieux de culte et des cimetières) sont ciblés parce qu’ils sont juifs ou relatifs aux Juifs, ou perçus comme tels.

La discrimination à caractère antisémite est le fait de refuser à des Juifs des possibilités ou des services ouverts à d’autres. Elle est illégale dans de nombreux pays.

 

Antisionisme et critique d’Israël

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Antisionisme

Le sionisme est un mouvement national du peuple juif visant à l’autodétermination et au statut d’État pour le peuple juif dans sa patrie ancestrale, la terre d’Israël.

L’antisionisme désigne l’opposition au sionisme. L’antisionisme peut s’exprimer explicitement ou implicitement par le rejet de la nation juive et du droit à l’autodétermination, par la diffamation des individus et des groupes associés au sionisme, et par la minimisation ou la négation du lien historique des Juifs avec la terre d’Israël[1].

L’antisionisme se distingue de la critique des politiques ou des actions du gouvernement israélien, en ce qu’il attaque la légitimité fondamentale de l’État juif.

Critique d’Israël

La critique d’Israël, de son gouvernement et de ses politiques ne relève pas de l’antisémitisme. Dans ce cadre, l’IHRA précise dans sa définition que la critique d’Israël similaire à celle élevée contre n’importe quelle nation ne peut être regardée en soi comme antisémite.

[1] Glossary ADL, “Anti-Zionism”, https://www.adl.org/resources/glossary-term/anti-zionism

Distinction antisionisme et critique d’Israël

Il est primordial de faire la distinction entre la critique tout-à-fait légitime des actions d’Israël et l’antisionisme. L’antisionisme n’a rien à voir avec une quelconque critique de la politique israélienne. Cette idéologie rejette le droit à l’autodétermination des Juifs et est donc antisémite.

Théories du complot juif

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Le mythe de la conspiration juive est peut-être la plus vieille théorie du complot. Les Juifs sont perçus avec méfiance tout au long du Moyen Âge en Europe et régulièrement accusés des fléaux de l’époque.

Au début du XXe siècle, Les Protocoles des Sages de Sion détaillent un prétendu plan de conquête des Juifs sur le monde. Ce document est rapidement identifié comme un faux, ce qui n’empêchera pas sa diffusion tout au long du XXe siècle. Les accusations de domination sont au cœur des théories du complot juif. Selon Pierre-André Taguieff[1], le complot juif s’est présenté sous quatre formes successives au cours de l’histoire :

  1. Antiquité et Moyen-Âge : conviction que les Juifs sont solidaires exclusivement entre eux et qu’ils haïssent Jésus et par conséquent Dieu. Ces certitudes sont à la base de la théorie du complot des meurtres rituels par les Juifs.
  2. Dès le XIXe siècle : période des théories de complots intra-nationaux. Les Juifs sont jugés comme inassimilables et décrits comme des parasites. Ils sont des « corps étrangers » et jouent le rôle d’un « État dans l’État ».
  3. Fin du XIXe, début du XXe : le complot juif se transforme en complot international.
  4. Depuis 1948 (année de l’indépendance de l’État d’Israël) : apparition du complot sioniste mondial. Dès les années 1990, celui-ci devient également le « complot américano-sioniste ».

[1] TAGUIEFF Pierre-André, « Le mythe du complot juif, un survol historique », Revue des deux mondes, juillet 2016