Gaza: les tensions montent avant la rentrée universitaire à Genève
Gaza: les tensions montent avant la rentrée universitaire à Genève
A Genève un appel à la grève étudiante est lancé en lien avec la guerre à Gaza. Un agenda du syndicat étudiant genevois provoque la colère de la Cicad et une condamnation du rectorat de l’Université de Genève.
La mobilisation étudiante en faveur des Palestiniens de Gaza pourrait reprendre à l’approche de la rentrée universitaire, qui aura lieu au début de la semaine prochaine. Selon un témoin (voir photo ci-dessous), une affiche au moins est apparue dans les couloirs d’Uni-Mail, haut lieu de l’occupation universitaire genevoise au printemps dernier en réaction à la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza à la suite des massacres du Hamas du 7 octobre 2023.
L’affiche en question porte le message suivant: «Aide à construire la grève étudiante pour la Palestine. Contre le génocide et l’impérialisme.» On y lit qu’une «discussion de coordination pour la grève de l’Uni» est fixée au vendredi 13 septembre à 18h30 devant Uni-Mail. Elle sera suivie le 19 septembre d’une première assemblée générale «pour la grève des Unis et des écoles». Ces appels non signés à la mobilisation sont accompagnés d’un QR code.
L’agenda qui crée la polémique
Par ailleurs, le syndicat faîtier étudiant de l’Université de Genève (Unige), la CUAE (Conférence Universitaire des Associations d’Etudiant. e.x.s), a produit un agenda à l’occasion de la rentrée universitaire. Un agenda émaillé de messages, pareils à des maximes, rappelant des faits historiques. Certains en rapport avec le conflit israélo-palestinien. Le parti-pris est propalestinien, anti-israélien.
Une note pour les dates allant du 8 au 14 septembre est illustrée par un dessin représentant le hall d’Uni-Mail, avec un fronton marqué d’un «Free Palestine», le tout surmonté du slogan «From the river to the sea» (de la rivière à la mer) entendu dans les mobilisations du printemps, référence à une Palestine «libérée» du fleuve Jourdain à la Méditerranée, signifiant implicitement la disparition d’Israël sous sa forme actuelle.
Rappel d’un triple détournement d’avion
La date 6 septembre renvoie, elle, au «55 ans du triple détournement d’avion par le front populaire de libération de la Palestine» – les avions, dont un de la compagnie Swissair, avaient été forcé de se poser en Jordanie. Dans la même note, la CUAE, revenant au présent, précise que le 6 septembre coïncide avec la «fin de la session» de plusieurs d’examens universitaires.
D’autres notes font référence au conflit israélo-palestinien. Tel le 15 mai, qui rappelle le «nettoyage ethnique qui forcera l’exode de plus de 800 000 Palestinien-ne-x-s chassé-e-x-s de leurs terres pas des milices sionistes». La note, opérant là aussi un retour aux réalités banalement étudiantes, est ainsi complétée: «Fin des retraits aux examens – Sciences.»
«Propagande sinistre et dangereuse de la CUAE»
Basée à Genève, la Cicad (Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation) a réagi dans un communiqué vigoureux daté du 11 septembre, à l’agenda de la faîtière étudiante. Elle dénonce une «Opération de propagande sinistre et dangereuse de la CUAE».
La note figurant au 6 septembre a particulièrement retenu son attention. La Cicad écrit et rappelle:
«Le 6 septembre est indiqué comme étant l’anniversaire des « 55 ans du triple détournement d’avion par le front populaire de libération de la Palestine ». Le 6 septembre 1970, des terroristes du FPLP détournent 3 avions de ligne et prennent en otage 300 passagers, dont près d’une centaine de suisses. Les juifs avaient été séparés des non-juifs, libérant ces derniers en priorité. Rappelons tout de même que le FPLP est identifié comme organisation terroriste par l’Union Européenne et les Etats-Unis.»
Communiqué de la CICAD
La Cicad fait remarquer, à propos des notes de l’agenda: «Si la commémoration du génocide arménien a heureusement sa place, les autres génocides reconnus, en particulier celui des Tutsis et des victimes de Shoah sont occultés. Une absence troublante et qui pose question.»
Le rectorat condamne
Le rectorat de l’Unige, dont on connaît les relations tendues avec la CUAE, laquelle ne fait pas mystère de son positionnement de gauche radicale, condamne l’agenda de la faîtière étudiante dans un communiqué également daté du 11 septembre:
«A l’occasion de cette rentrée universitaire, la CUAE a mis à la disposition des étudiantes et étudiants un agenda gratuit contenant des messages et illustrations heurtant tant des membres de la communauté universitaire que de la Cité (réd: les citoyens). Nous les condamnons fermement; ils vont en effet à l’encontre des valeurs de respect, de diversité et d’inclusion que nous promouvons, et nous veillerons à remédier à cette situation.»
Communiqué du rectorat de l’Unige
Débat prévu le 18 septembre
Présidée par Audrey Leuba depuis le 18 avril, le rectorat se veut à la fois ferme et diplomate. Dans son communiqué, il écrit aussi:
«Le conflit qui oppose Israël au Hamas depuis bientôt un an suscite une vive émotion et de nombreuses interrogations au sein de la communauté étudiante. Le Rectorat les a entendues et a mis sur pied un comité scientifique chargé d’y répondre, et dont les travaux sont en cours. Elle a publié une prise de position sur le sujet et organise un Town Hall Meeting (réd: réunion publique) le mercredi 18 septembre afin de débattre de la place de l’Université dans le débat public, avec la communauté Unige et la Cité.»
Communiqué du rectorat de l’Unige
A propos de la liberté d’expression, le rectorat précise:
«La liberté d’expression, de débat et de dialogue sont des valeurs cardinales de l’Université. Face aux tensions et au durcissement des positions exprimées, le Rectorat rappelle que cette liberté est encadrée par des principes clairs qui la protègent: rejet de toute forme d’appel à la violence, de discrimination, d’islamophobie, d’antisémitisme, d’atteinte à la charte d’éthique et de déontologie de l’Université.»
Communiqué du rectorat de l’Unige
Contactée par e-mail par watson pour avoir sa réaction, la CUAE n’avait pas répondu au moment de la parution du présent article.
Un «accord» qui n’a pas tenu
Pour rappel, en juin 2022, le rectorat avait conclu un accord avec la CUAE à la suite de débordements de transactivistes contre des conférenciers dont le discours ne leur convenait pas. Aux termes de cet accord, la direction de l’Unige avait renoncé à déposer plaintes contre les transactivistes, soutenus par la CUAE. «Il s’agit de se mettre d’accord sur la reconnaissance des valeurs fondamentales que sont l’importance de la liberté académique, le refus de la violence et le respect dû aux personnes», déclarait à watson le directeur de la communication de l’Unige, Marco Cattaneo.