Casser le thermomètre n’a jamais fait cesser la fièvre
Casser le thermomètre n’a jamais fait cesser la fièvre
Lettre du jour du 29 août par Laurent Selvi, président de la Cicad.
Le 22 août dernier, une tribune collective s’en est à nouveau prise à la Cicad et à son secrétaire général. Peu importe que la Cicad représente l’ensemble des communautés juives romandes, dont les présidents siègent activement au comité, et que son secrétaire général applique leurs décisions. Peu importe aussi que ce soit ainsi l’écrasante majorité des juifs romands qui s’expriment.
Peu importe enfin que les rapports de la Cicad respectent strictement la définition internationale de l’antisémitisme de l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance), dont le Conseil fédéral en a formellement admis la pertinence en 2021 et qui a été adoptée par de nombreux pays, dont tous nos voisins. Dans la doctrine radicale des auteurs, ils sont prescripteurs du juste et ce n’est pas aux juifs de désigner ce qui est antisémite.
Entre «lobbying pro-Israël», dénigrement d’élus pour en favoriser d’autres, soutien dans les écoles d’un «crime tout aussi inacceptable» que la Shoah ou opacité financière, les réquisitions des auteurs convoquent tout un imaginaire fantasmatique et obsessionnel. Un discours drapé de vertu pour délégitimer toute dénonciation des dérives inadmissibles qui gangrènent la lutte légitime pour obtenir une solution politique permettant la coexistence de deux États.
Des dérives que les auteurs refusent de voir et qui se multiplient avec violence. Celles-ci sont physiques: un homme poignardé à Zurich, une femme prise à partie dans un tram genevois ou une petite fille tabassée par ses camarades; mais aussi symboliques: le chant «Khaybar Khaybar ya yahud», qui célèbre le massacre des juifs au VIIe siècle, dans les manifestations, les drapeaux de mouvements terroristes brandis dans les cortèges ou encore, un festival culturel juif interdit de cinéma.
Ce sont ces actes que nous dénonçons et le silence qui les entoure que nous condamnons.
Pour être entendus, nous devrions condamner la politique menée par un gouvernement étranger et qui nous est rapprochée par essentialisation. Nous devrions faire acte de contrition et nous soumettre aux injonctions qui nous assignent à la place désignée par les prescripteurs du juste: collectivement coupables par association, sauf à renier le sionisme – que vous dévoyez pour mieux le diaboliser.
Vous accusez la Cicad de jouer les procureurs, mais les seuls Robespierre sont tous ceux qui veulent imposer leurs dogmes sans faire cas des dérives et de leurs conséquences, ceux qui entretiennent des amalgames coupables: entre l’État d’Israël et son gouvernement, entre son gouvernement et sa population, entre sa population et l’identité juive, entre l’identité juive et les juifs de Suisse. Un syllogisme mortifère qui désigne à la vindicte vos concitoyens juifs.
La paix civile à laquelle nous devons tous aspirer exige que cesse cette essentialisation coupable, pratiquée à grande échelle depuis deux ans. La Cicad, pour sa part, s’en tiendra toujours strictement à la définition de l’antisémitisme de l’IHRA et continuera à en dénoncer toutes ses formes, avec le soutien de la société civile attachée, comme nous, aux valeurs d’universalisme et d’humanisme.
Casser le thermomètre n’a jamais fait baisser la fièvre.
Laurent Selvi, Président de la CICAD