Glossaire
Introduction
« Antisémitisme » signifie, dans son acception commune : « une attitude d’hostilité à l’égard des minorités juives, quel que soit, d’ailleurs, le motif de cette hostilité ». Cette hostilité peut aller d’une aversion individuelle jusqu’à des formes de persécution idéologiques et institutionnalisées.
Un racisme protéiforme qui s’adapte et évolue au gré de l’actualité, des troubles socio-économiques ou des orientations de nos sociétés lorsqu’il s’agit de déterminer un bouc émissaire responsable des maux. Le langage antisémite est vaste et les termes utilisés afin de propager la haine des Juifs ne sont pas toujours compréhensibles ou identifiables pour les personnes non aguerries.
Ces dernières années, nous observons notamment une augmentation de la technique du dog whistle. Ce procédé permet aux courants racistes de communiquer dans des espaces socialement contraignants de manière codée et compréhensible seulement par les initiés. La quenelle de Dieudonné – un salut nazi inversé – ainsi que le 88, qui fait une référence double à la huitième lettre de l’alphabet (H) pour déclarer Heil Hitler, sont des exemples typiques de cette méthode. Le dog whistle est notamment utilisé sur les réseaux sociaux, car celui-ci permet d’échapper au monitoring et aux règles des diverses « communautés » en ligne.
Afin de mieux appréhender le large éventail des termes antisémites, il est apparu nécessaire de proposer un glossaire, toujours non exhaustif, qui permettra de disposer de larges notions.
Cabale / Kabbale
La cabale et la Kabbale sont deux termes distincts. Toutefois, les milieux d’extrême droite et conspirationnistes en font usage de façon équivalente, afin d’exprimer leur antisémitisme. Le terme « Kabbale » de l’hébreu Qabbalah est aujourd’hui utilisé communément pour définir la mystique juive et les traditions ésotériques du judaïsme. Il convient cependant de savoir que dans le langage talmudique Qabbalah signifie tout simplement « réception » et désigne la transmission des textes prophétiques et hagiographiques de la Bible sans aucune connotation mystique ou ésotérique.
Le mot « cabale », introduit dans la langue française dès le XVIIe siècle, signifie « une forme de complot ourdi par un groupe de personnes unies autour d’un projet secret visant à conspirer pour le succès de leurs opinions et de leurs intérêts au sein d’un État ou d’une communauté donnée. »
La théorie du complot juif est l’une des sources de l’antisémitisme dans laquelle les allusions à la « Kabbale » dans le sens « cabale » sont les plus fréquentes.
Extrait d’un texte complotiste provenant d’une branche suisse QAnon – (5 juillet 2022, Telegram)
Complot judéo-maçonnique
Le complot judéo-maçonnique ou judéo-maçonnerie est une théorie du complot désignant une alliance supposée entre les Juifs et les francs-maçons afin d’atteindre la domination de la société. Son origine provient des mouvements contre-révolutionnaires qui accusaient les francs-maçons et les Juifs d’être derrière la Révolution française.
Dragons célestes
Les « dragons célestes » sont des personnages du manga d’Eiichiro Oda, One Piece. Dans la société inventée par Oda, les dragons célestes occupent la place la plus haute de la noblesse et sont intouchables. Descendants et héritiers des fondateurs du « gouvernement mondial », les dragons célestes sont extrêmement riches et jouissent de tous les privilèges possibles. Ces caractéristiques semblent s’aligner aux stéréotypes sur les Juifs véhiculés par les discours antisémites. Ainsi, l’expression « dragons célestes » est utilisée par des internautes afin de désigner les Juifs et leurs prétendus privilèges sans les nommer.
(((ÉCHO)))
La triple parenthèse, également appelée (((écho))) fait partie de l’antisémitisme codé en ligne. Majoritairement utilisé par les mouvements d’extrême droite, il sert à marquer, identifier et stigmatiser les personnes et institutions juives.
Holohoax / Holofaux / Lolocauste
La négation de la Shoah consiste en un déni des faits historiques de l’Holocauste des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Afin d’exprimer leur opinion et remettre en cause la véracité du génocide perpétré par le régime nazi, antisémites et négationnistes utilisent des mots-valises : Holo – Hoax, hoax signifiant « canular » en anglais, Holo – Faux ou encore LOL (laughing out loud) – Holocauste, qui donne Lolocauste.
Image provenant d’un site négationniste genevois
Illuminati
Les Illuminati font référence à la fois à un groupe qui a réellement existé il y a plus de deux siècles et a une société fictive à qui l’on prête une puissance infinie.
Historiquement, l’Ordre des Illuminati est une société secrète fondée en Bavière par Adam Weishaupt en 1776. Inspiré par les idéaux des Lumières, le groupe voulait promouvoir l’éducation de la raison, la philanthropie et s’opposait à l’influence religieuse dans la société. L’Ordre des Illuminati fut interdit en 1785 par un édit du gouvernement bavarois avant de disparaître complètement.
Malgré la très courte durée de vie de l’Ordre, les Illuminati ont toujours eu une image ténébreuse dans l’histoire populaire et sont rapidement devenus la source principale du fantasme complotiste. Durant l’entre-deux-guerres, la propagande fasciste proclamait que les Illuminati étaient un élément subversif, qui servait les élites juives, eux-mêmes derrière le capitalisme mondial et le communisme soviétique. Le but ultime des Illuminati ? Créer un Nouvel Ordre Mondial.
Cette attitude conspirationniste à l’égard des Illuminati ainsi que leurs liens avec les Juifs est construite sur des thèmes antisémites classiques : le contrôle sur le monde, l’ingérence dans la politique et le complot ultime qui est d’accéder au pouvoir total sur la gouvernance mondiale.
Les Illuminati sont restés longtemps confidentiels, jusqu’à l’explosion d’Internet, qui leur a redonné une place de choix parmi les idées complotistes. Aujourd’hui, « l’œuvre des Illuminati » reste l’explication la plus simple pour les conspirationnistes, pour qui tout peut être imputé à ce groupe bavarois du XVIIIe siècle.
Judéo-bolchévisme
Le terme de judéo-bolchévisme existe sous plusieurs variantes, dont judéo-marxisme ou encore judéo-communisme. Cette expression est utilisée dans les discours alliant antisémitisme et anticommunisme et vise à affirmer que les Juifs sont les maîtres à l’œuvre de la Révolution bolchévique et du communisme en général. Ce mythe, initialement diffusé par les Russes blancs dès 1917, a été récupéré par le régime nazi, puis par les idéologies nationalistes d’extrême droite.
Khazar
Au sein des milieux complotistes, les termes Khazar ou Mafia khazarienne sont utilisés pour faire référence au peuple juif. Les Khazars étaient un peuple apparenté aux Turcs, semi-nomade de la fin du VIe siècle après J.-C. et établi au sud-est de la Russie européenne, au sud de l’Ukraine, en Crimée et au Kazakhstan. À la fin du 19e siècle émerge la théorie selon laquelle le noyau des Juifs ashkénazes actuels descendrait d’une hypothétique diaspora juive khazarienne qui aurait migré vers l’ouest. Malgré le fait que les études n’ont pas confirmé la théorie d’un lien entre les Khazars et les Juifs ashkénazes, cette dénomination est utilisée fréquemment et sert deux buts.
Premièrement, le terme Khazars est utilisé comme dog whistle et permet de parler des Juifs sans les nommer expressément. Deuxièmement, et plus insidieusement, se référer aux Juifs comme Khazars est une manière de dire que les Ashkénazes ne descendent pas des israélites et n’auraient donc aucun lien avec la terre d’Israël.
Protocoles des Sages de Sion
En 1903, dans la Russie prérévolutionnaire, paraissent les Protocoles des Sages de Sion. Initialement, l’origine de ce texte est mystérieuse, mais il est présenté comme le compte-rendu d’une réunion secrète entre représentants de la communauté juive qui annoncerait un plan pour dominer le monde. Faux le plus célèbre de l’histoire occidentale, il est en réalité un texte créé par la police secrète du tsar Nicolas II de Russie à des fins politiques. En effet, face à la montée du bolchévisme, le pouvoir tsariste a décidé de désigner un bouc émissaire et ainsi de diaboliser les mouvements révolutionnaires en les faisant passer pour un complot dirigé par les Juifs.
En août 1921, un journaliste du Times de Londres, Philip Graves, démontre comment ce texte est un faux et est en fait, en majorité, le produit du plagiat de Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, ou la politique de Machiavel au XIXe siècle. Écrit par Maurice Joly en 1864, ce pamphlet était dirigé contre Napoléon III. Malgré cela, le texte continue de rencontrer une notoriété croissante à travers le monde et est traduit dans plusieurs langues.
En France, en 1920, de premières traductions sont publiées sous le titre « Procès-verbaux de réunions secrètes des sages d’Israël ». Aux États-Unis, c’est l’industriel et antisémite Henry Ford qui se chargera de leur propagation. Il sera notamment une source d’inspiration, ainsi qu’un document sur lequel Adolf Hitler s’appuiera pour écrire Mein Kampf. Par la suite, les Protocoles des Sages de Sion deviendront un pilier de la propagande du IIIe Reich.
En Suisse, les Protocoles sont interdits depuis 1935, à la suite du procès de Berne qui établit la fausseté du document.
Aujourd’hui, les Protocoles des Sages de Sion sont toujours aussi populaires, notamment dans les milieux d’extrême droite et conspirationnistes, mais également dans le monde arabe.
Qui ?
Qui ? est un slogan antisémite qui a fait son apparition lors des manifestations anti-pass sanitaire en 2021. Ce « Qui ? » est en fait une question rhétorique faisant référence aux Juifs. En effet, une manifestante avait, août 2021, brandi une pancarte listant une série de personnalités juives avec la question : Mais qui ? Le Q du qui portant les cornes du diable. Cette pancarte dénonçait, selon elle, les personnes au pouvoir derrière la crise sanitaire.
Bien que ce slogan ait été connu du grand public à travers cette manifestation, il est parti d’une interview de juin de la même année. Dans celle-ci, Dominique Delawarde, un ancien général français, affirmait que les médias étaient contrôlés par la « meute médiatique ». Désirant rendre le propos du général à la retraite plus explicite, le chroniqueur Claude Posternak insiste en demandant : « Qui ? Mais dites qui ? ». Dalwarde finit par répondre : « La communauté que vous connaissez bien. »
Cet élément de langage a été utilisé pour désigner un bouc émissaire en période de crise sanitaire. Toutefois, aujourd’hui, les termes QUI / Qui ? ont totalement intégré l’expression antisémite et continuent d’être employés pour propager la haine contre les Juifs.
Rothschild
La famille Rothschild est une famille issue de la bourgeoisie, d’origine juive allemande. Les Rothschild se sont fait connaître dès le XVIIIe siècle dans la banque et la finance. Aujourd’hui, la plupart des branches de la famille se sont éteintes, anéanties par le nazisme. Toutefois, les branches anglaise et française subsistent.
Une des théories du complot les plus répandues dans le monde tourne autour de cette famille et affirme que les Rothschild contrôlent secrètement l’économie mondiale. Cette rumeur conspirationniste est apparue au milieu du XIXe siècle et a, depuis, pris plusieurs formes : les Rothschild auraient commandité des assassinats politiques, déclenché et financé des guerres, ou encore, plus récemment, créé la pandémie du COVID-19.
Ce ne sont pas seulement les membres de la famille qui sont attaqués, mais également ceux qui ont travaillé dans une banque Rothschild, à l’instar du Président Emmanuel Macron. Ce dernier est souvent décrit comme la « marionnette des Rothschild » par les extrémistes de droite.
Goldman Sachs Plus récemment, nous avons observé une similitude de langage à l’égard du nouveau Premier ministre anglais Rishi Sunak. Au début de sa carrière professionnelle, ce politicien a travaillé pour la banque d’investissement, Goldman Sachs, qui a été fondée en 1869 par Marcus Goldman, un homme d’origine juive. Le passé professionnel de Sunak est ainsi fréquemment rappelé pour le discréditer. |
Sioniste
Le terme « sioniste » désigne une personne qui soutient le mouvement du sionisme. Le sionisme croit en l’autodétermination du peuple juif et vise à établir un foyer national juif. Dire d’une personne qu’elle est sioniste n’est donc pas antisémite en soi.
Toutefois, ce terme est souvent utilisé de manière interchangeable avec le mot « juif » pour désigner les Juifs en général, qu’ils soient sionistes ou non. Dans le discours d’Alain Soral, par exemple, le mot « juif » est pratiquement systématiquement remplacé par le mot « sioniste » (et également « communautaire »), ce qui lui permet d’avoir des propos antisémites tout en se défendant d’être simplement « antisioniste ».
Dans les milieux antisémites et conspirationnistes, il est souvent question de « contrôle sioniste » et d’accusations de sionisme. Ce qui revient à dire : contrôle des Juifs et judaïsme.
Soros
George Soros est un financier milliardaire né en Hongrie, d’origine juive et survivant de la Shoah. Aujourd’hui, il est citoyen américain et est connu pour sa philanthropie et ses idées progressistes et libérales.
Soros est haï par l’extrême droite et la complosphère qui l’imaginent comme contrôlant le monde en secret grâce à ses investissements. Il serait notamment derrière la migration en Europe et donc le grand remplacement. Symbole antisémite du Juif apatride, Soros est considéré par ses détracteurs comme si puissant, qu’il serait en train de déclencher la dissolution des frontières nationales. L’invoquer s’inscrit ainsi dans la continuité de l’antisémitisme traditionnel et lie l’argent, le pouvoir, l’étranger et le comploteur.
ZOG
Zionist Occupied Government, abrégé ZOG est une croyance suprémaciste blanche qui déclare que les gouvernements occidentaux – en particulier les États-Unis – sont contrôlés par les Juifs.