Histoire de l’antisémitisme
Histoire de l’antisémitisme
Le Département d’Etat américain a publié en mars 2008 son Contemporary Global Anti-Semitism Report[2], dont le volet consacré à la définition de l’antisémitisme permet d’appréhender de manière plus globale la complexité des diverses formes que revêt l’antisémitisme :
L’antisémitisme sans Juifs
En Pologne, les souffrances subies par les victimes du nazisme – 3 millions de Juifs et 3 millions de non-Juifs – ont été mises sur le même plan. Concernant le Japon, les rares Juifs installés ne sont arrivés qu’après 1854. Pendant longtemps, ils n’ont pas été distingués des autres Occidentaux. Explications du cas de la Pologne et du Japon…
Le cas de la Pologne
En Occident, la découverte d’Auschwitz a eu pour effet d’évacuer les manifestations d’antisémitisme de la place publique pendant un certain temps. Pas en Pologne où les souffrances subies par les victimes du nazisme – 3 millions de Juifs et 3 millions de non-Juifs – ont été mises sur le même plan. La spécificité de la Shoah n’est pas perçue en Pologne, où l’on cherche même à déjudaïser les victimes du génocide. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la population juive polonaise était presque totalement décimée, massacrée systématiquement dans les camps d’extermination.
En juillet 1946, un pogrom a pourtant lieu à Kielce, au cours duquel 42 Juifs sont tués et plus de 70 blessés. Le prétexte est, une fois encore, la responsabilité du meurtre* rituel d’un chrétien. Des 250’000 Juifs qui habitent en Pologne à l’époque, plus de la moitié émigre avant 1950. Il leur est apparu que l’antisémitisme polonais était plus violent qu’avant la guerre. Ceux qui sont restés ont voulu servir le régime communiste, au risque d’être une cible facile des colères populaires.
A la fin des années 50, on assiste à une montée du nationalisme polonais fortement teinté d’antisémitisme : les Juifs sont écartés des positions élevées au Parti, dans l’administration, dans l’armée et placés sous surveillance, parce qu’ils sont considérés comme anti-nationaux.
A partir de 1967, après la victoire d’Israël sur les armées arabes et sous couvert d’antisionisme*, une campagne violemment antisémite force les deux tiers de la population juive à émigrer. On les accuse d’être des agents de l’impérialisme occidental, de fomenter un complot anti-soviétique. Les purges se poursuivent à l’université, dans les médias et les agences gouvernementales. A l’intérieur du Parti, on dénonce les Juifs staliniens.
Même après l’effondrement du communisme, les discours antisémites ont continué d’être propagés : l’ancien président Lech Walesa a souvent fait appel aux fantasmes antisémites de ses électeurs en accusant ses adversaires d’être des crypto-juifs au service de Moscou. Tout candidat doit prouver sa généalogie non-juive, c’est-à-dire purement polonaise et catholique. Les Juifs visés ne sont pas les Juifs traditionnels, mais ceux qu’on dit infiltrés, convertis, dissimulés sous le masque du Polonais.
L’antisémitisme est souvent considéré comme une opinion légitime qui ne donne jamais lieu à une condamnation politique ferme, malgré les profanations de cimetières, les graffitis, la diffusion de classiques de l’antisémitisme (comme les Protocoles des Sages de Sion*).
Aujourd’hui, les clichés les plus éculés circulent encore à propos des Juifs, notamment parmi les paysans nourris de légendes médiévales : meurtre rituel*, déicide*, complot*. Ces accusations sont également véhiculées par les partis nationalistes et par une partie de l’église catholique incarnée par le primat de Pologne Jozef Glemp. C’est à son initiative que des sœurs carmélites s’installent à côté d’Auschwitz de 1979 à 1992, et avec son accord qu’en 1998, 250 croix sont plantées aux abords du camp, souvent par des catholiques intégristes venus d’Europe et des Etats-Unis. Pour les Juifs, Auschwitz (où la grande majorité des victimes étaient juives) est le symbole de la Shoah et de son caractère unique, un lieu voué au silence et au deuil. Les croix violent le symbole et sont perçues par les Juifs comme un acte d’appropriation des morts juifs.
Paul LENDVAI : L’Antisémitisme sans Juifs, Paris, Fayard, 1971.
Michel WIEVIORKA : Les Juifs, la Pologne et Solidarnosc, Paris, Denoël, 1984.
Le cas du Japon
Les rares Juifs installés au Japon ne sont arrivés qu’après 1854. Pendant longtemps, ils n’ont pas été distingués des autres Occidentaux. Les premières images négatives des Juifs sont apparues avec la traduction en japonais du Marchand de Venise de Shakespeare et du Nouveau Testament. Ce n’est qu’à la fin de la Première guerre mondiale que la propagande antisémite a été diffusée au Japon, importée par les troupes russes blanches alliées aux Japonais contre les Bolcheviques : le mythe selon lequel la Révolution russe est un complot* juif et la diffusion de la version japonaise des Protocoles des Sages de Sion* (1919) ont constitué les premières manifestations d’antisémitisme.
A la fin des années 20, le Japon, touché par la crise économique, se rapproche de l’Allemagne : la traduction de Mein Kampf de Hitler et d’autres livres antisémites est assurée au Japon. Quand éclate la guerre du Pacifique (1941-1945), les sentiments anti-juifs et anti-chrétiens se manifestent violemment : les journaux publient des articles sur le péril juif, les intellectuels invoquent la manipulation juive, le gouvernement éveille la fibre nationaliste de ses citoyens. Les quelques Juifs résidant au Japon ont toutefois eu la vie sauve pendant la guerre.
C’est au début des années 70 que l’antisémitisme intellectuel redevient à la mode, avec la publication d’un best-seller intitulé Les Japonais et les Juifs (plus d’un million d’exemplaires vendus). Ce livre, qui invite à redéfinir l’identité japonaise, a ensuite fait des émules : plusieurs livres se sont saisis du thème du complot juif et de la cupidité des Juifs.
A la fin des années 80, un pasteur chrétien a publié deux livres violemment antisémites qui se sont vendus à plus d’un million d’exemplaires. Une centaine de livres similaires ont été publiés par la suite. A chaque fois, les mêmes accusations : les tentatives des Juifs pour contrôler le monde, leur responsabilité dans les maux du siècle (guerre russo-japonaise, bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, difficultés économiques, sida…).
Le négationnisme* a également trouvé plusieurs militants au Japon. Ainsi, pour l’anniversaire de la libération d’Auschwitz, en janvier 1995, le magazine de mode Marco Polo publie un article niant la Shoah. Le scandale qui a suivi a donné lieu au licenciement du rédacteur en chef puis à la fermeture du journal. Des journaux des plus sérieux ont accepté de passer des publicités pour des livres antisémites. Chaque succès de librairie participe évidemment à la propagation des stéréotypes antisémites, même dans une société où les Juifs sont absents.
La secte Aum Shinrikyo, responsable d’un attentat au gaz dans le métro de Tokyo, a également diffusé un tract affirmant que les Juifs tiraient profit de la défaite japonaise pendant la guerre pour contrôler le monde.
L’antisémitisme dans un pays où les Juifs sont quasiment inexistants reste intellectuel. Il se fond dans un sentiment général anti-occidental et hostile aux étrangers. Il se nourrit d’arguments antisionistes* et sert à expliquer les problèmes économiques et sociaux au Japon. L’image négative du Juif sert aussi de modèle à ne pas suivre pour la société japonaise en quête d’identité. Finalement, la thématique antisémite véhiculée au Japon se nourrit d’occultisme et de thèses surnaturelles dont les Japonais sont très friands.
L’antisémitisme semble donc servir de soupape, de faux-fuyant pour défier l’Occident tout entier et en particulier les Etats-Unis.
D. GOODMAN, M. MIYAZAWA : Jews in the Japanese Mind, New York, Free Press, 1995.
Mémoires de Gluckel Hameln, trad. et prés. de Léon Poliakov, Paris, Minuit, 1971.
Le négationnisme
La négation de la Shoah, ou négationnisme, est la forme la plus récente de l’antisémitisme. Ses militants affirment que la Shoah est un mensonge inventé par les Juifs afin d’obtenir des compensations financières de l’Allemagne et des gains politiques (la création de l’Etat d’Israël). Derrière cette idée se profilent des clichés antisémites très anciens, tels que le complot juif mondial*, le goût des Juifs pour l’argent*, leur influence politique et médiatique.
Le négationnisme n’a rien à voir avec de la recherche historique comme il le prétend. Il ne s’agit pas d’une « autre version de l’histoire », mais bien d’une idéologie foncièrement antisémite, basée sur la falsification et la diffamation, qui cherche à se parer des plumes respectables de l’université. Ses propagateurs se baptisent « révisionnistes », terme ambigu auquel il faut préférer celui de « négationnistes », qui reflète mieux leur idéologie.
Les négationnistes affirment que Hitler n’a jamais voulu anéantir les Juifs mais simplement les déplacer vers l’est. Il n’y a d’ailleurs pas d’ordre écrit de la main de Hitler appelant à la destruction systématique des Juifs. D’autre part, il n’y aurait, selon eux, aucune preuve que les chambres à gaz ont existé, puisque les camps ont été détruits à la fin de la guerre (les nazis cherchaient justement à effacer toute trace de leurs crimes).
A l’origine de cette idéologie, on trouve des Français qui ont gardé la nostalgie du IIIe Reich et une haine à l’égard des Alliés (p. ex. l’écrivain Maurice Bardèche).
Le « père » du négationnisme est Paul Rassinier (1906-1967), ancien communiste et ancien déporté à Dora, d’où il revient avec une vision inversée des rôles : les victimes de la guerre sont les Allemands, les coupables sont les Juifs, responsables du conflit mondial. Rassinier n’a pas vu de chambres à gaz et affirme donc qu’il n’y en avait pas. C’est sur cette base que se construit la méthode des négationnistes : ils considèrent tout témoignage juif comme un mensonge, ils ignorent tout document antérieur à la Libération, les documents nazis sont, à leurs yeux, fabriqués, les témoignages de nazis ont été obtenus sous la torture. Le reste est ignoré, falsifié, sorti de son contexte ou rapidement évacué. Sous le couvert de dénoncer un mensonge, les négationnistes font l’apologie du IIIe Reich tout en rêvant à sa restauration.
Jusqu’à la fin des années 70, le négationnisme est resté confiné à une secte confidentielle. Ensuite, il cherche à élargir son audience, notamment par le biais du scandale. On le voit ainsi tenter de s’infiltrer dans les médias (lettres de lecteur, communiqués de presse, éclats publics), dans les universités et les écoles (thèse d’Henri Roques, cours de Mariette Paschoud à Lausanne, publicités dans les journaux universitaires américains), dans les forums publics (conférences, manifestations), dans les milieux politiques (l’extrême-droite s’en inspire).
Le négationnisme se banalise et marque des points à cause de la crise des valeurs actuelles (incroyance, relativisme), de la critique de l’attitude de certains pays pendant la Deuxième Guerre mondiale (notamment la France et la Suisse), de l’éloignement temporel des événements et de la disparition progressive des témoins de la Shoah. Il est renforcé par la légitimation de partis comme le Front National et par le déclin de la mémoire antifasciste.
S’il est le fruit d’esprits nés avant la guerre, le négationnisme trouve aujourd’hui un écho auprès des jeunes générations dont le manque de connaissances est un terrain fertile pour la diffusion de tels arguments. D’autre part, les négationnistes constituent un réseau international militant et très étendu, des Etats-Unis à l’Europe, en passant par les pays arabes, le Japon, l’Australie et l’Amérique latine. Les échanges, invitations, publicités et relais sont nombreux.
En Suisse, les négationnistes sont très actifs : ils publient livres et revues, et tentent d’infiltrer les forums publics. Depuis 1995, l’article 261bis du Code Pénal permet de les poursuivre en justice. Plusieurs procès sont en attente d’une jurisprudence définitive.
Florent BRAYARD : Comment l’idée vint à M. Rassinier, Paris, Fayard, 1996.
Négationnistes : Les chiffonniers de l’histoire, collectif, Lyon/Paris, Golias/Syllepse, 1997.
Commission d’enquête. Le rapport Bergier en cinq points
Au cours des années 30 et durant la guerre, la Suisse a participé, volontairement ou non, aux entreprises de l’Allemagne nazie. Rappel des conclusions qui ont secoué le pays, en 2002.
Le «rapport Bergier» ce sont les conclusions retentissantes, sur 569 pages, d’une Commission indépendante d’experts (CIE) qui s’est penchée sur le rôle de la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Présidé par l’historien lausannois Jean-François Bergier (1931-2009), ce groupe de spécialistes suisses et internationaux a rédigé entre 1996 et 2001 pas moins de 25 études, restées en bonne partie confidentielles.
Reprises par les médias, combattues par des sceptiques, diffusées dans des livres et dans les écoles, ces conclusions ont révolutionné, auprès du grand public, la vision sur l’attitude de la Suisse face au IIIe Reich.
En voici, pour rappel et vingt ans plus tard, quelques points principaux tirés du rapport final.
Le tampon «J» et le refoulement aux frontières
La Confédération a appliqué «une interprétation restrictive» des réfugiés devant bénéficier du statut de réfugié politique, ne l’accordant qu’à 644 personnes en tout entre 1933 et 1945. Fuyant les mesures antisémites, quelque 10’000 à 12’000 réfugiés parviennent à entrer en Suisse jusqu’en 1939. Mais depuis mars 1938, le Conseil fédéral renforce protection aux frontières et refoule quiconque n’est pas muni d’un visa.
Même année, le Conseil fédéral abandonne les visas destinés aux citoyens allemand en échange d’un tampon «J» sur les passeports de Juifs du Reich. Berne peut envisager de faire de même pour les Juifs suisses. Dès fin 1941, des informations diplomatiques avertissent Berne des déportations et des massacres nazis systématiques. Mais en 1942 encore, on refoule aux frontières et on prévoit de livrer directement les récidivistes aux autorités allemandes.
Une politique plus souple se fait jour dès l’automne 1943 et les Juifs seront considérés comme réfugiés en juillet 1944. La Commission estime à 20’000 le nombre de réfugiés, tous motifs confondus, rejetés à la frontière, et à environ 60’000 celui des civils hébergés temporairement ou durant toute la guerre. Notamment grâce à des entrées illégales. Les experts pointent du doigt l’antisémitisme répandu et la crainte omniprésente d’une surpopulation étrangère.
Une économie dans le giron du Reich
Dès 1934, la Suisse met en place le système de clearing et l’Office suisse de compensation, couvert par le secret bancaire, qui permet de faire fonctionner les entreprises suisses et les exportations en dépit de la crise des années 30 et des politiques protectionnistes: les banques faisaient l’intermédiaire entre les partenaires étrangers. Avec la guerre, les exportations vers les pays anglo-saxons restent possibles. Mais le système passe toutefois clairement en faveur du Reich, endetté, qui va bénéficier d’avances.
Une dette envers la Suisse qui sert autant de moyens de pression que de maintenir l’Allemagne nazie comme partenaire économique hégémonique. En 1941, la Chambre de commerce suisse parle de «la construction future de l’Europe» tout en «contribuant à sauvegarder l’indépendance du pays». Mais à la fin de la guerre, les avances de clearing atteignent 1,121 milliard et les exportations d’armes à l’Axe ne cessent qu’en 1944, sous pression alliée.
Les exportations utiles à l’effort de guerre sont restées faibles par rapport à la production du Reich, souligne la Commission, notamment armes, aluminium et machines outils. Les détonateurs et composantes de canons de DCA ont toutefois dépassé les 10% de la production allemande. Des pièces d’horlogerie utiles aux détonateurs et à l’aéronautique ont également été achetées par les Alliés, notamment pour en priver l’Allemagne.
Au final, entre 1940 et 1944, la Suisse aura ainsi livré pour 633 millions de francs de matériel de guerre à l’Axe, contre 57,5 millions aux Alliés, et ce sans réel contrôle politique. Globalement, la Commission retient une élite économique aux comportements variés, allant de la passivité à l’opportunisme. Si certains étaient sensibles à la politique allemande, ce n’est pas forcément ce qui a augmenté leurs activités, note la Commission.
Aspect moins connu: l’électricité. Disposant d’une production de 9,6 milliards de kWh en 1944-1945, la Suisse a alimenté l’Allemagne en courant bon marché, et notamment en direction de ses industries orientées sur l’effort de guerre. On livre au Reich 1,1 milliard de kWh en 1940, avant une baisse durant le conflit.
L’axe Rome-Berlin via le Gothard
Si les Alliés exercent une tolérance à géométrie variable envers l’économie suisse, c’est moins le cas pour les tunnels des Alpes, que la Suisse laisse ouverts au trafic germano-italien. Des centaines de milliers de travailleurs italiens transitent par la Suisse jusqu’en 1943. Aucun convoi de déportés en direction des camps de la mort n’est connu. En revanche, des milliers de tonnes de marchandises transitent chaque année, alimentant les usines, transports et ménages des pays en guerre. Des cas de matériel de guerre passant par les tunnels suisses sont toutefois connus (1,25 million de douilles en novembre 1941) et les contrôles restent superficiels. Des biens à double usage, sous entendus civils ou militaires, passent facilement par dizaines de milliers de tonnes entre l’Allemagne et l’Italie, surtout des matières premières et des biens de consommation.
Les CFF en tireront jusqu’à 15% de leurs bénéfices annuels. Faute de sources, le rôle de Swissair est méconnu.
La Suisse se protégeait derrière les accords internationaux et a tardé à serrer la vis. Aussi parce qu’elle dépendait des importations par train pour ses propres besoins, notamment en charbon, a relevé la Commission.
L’or des nazis
Place financière neutre, la Suisse a surtout joué un rôle important pour l’Allemagne, qui y échange titres et or – on parle du 4/5e des livraisons extérieures du Reich – contre des francs suisses. Notre devise nationale étant «vitale» puis «indispensable» pour l’économie de guerre nazie. La Reichsbank aura disposé de 2 milliards de francs suisses durant la guerre, utile à son commerce extérieur (matières premières, matériaux rares, pétrole, armement…) notamment.
La BNS a joué un rôle logiquement central. Parfois par l’intermédiaire d’autres pays neutres, comme le Portugal. Le sommet des transactions est atteint en 1941-1942, avec l’achat par la BNS de parfois plus de 120 millions de francs par année d’or allemand. Ils ne cesseront que le 8 mars 1945.
Mais d’où venait cet or estampillé de l’aigle nazi? La question sera à l’origine d’années de débats, surtout après 1990. La Commission Bergier retient, à nouveau, le côté «business as usual» des pratiques de la BNS, sans exclure une volonté de dissuasion ni une méconnaissance du parcours douteux de cet or, dont des rapports font état dès 1940.
La Reichsbank a fait main basse sur au moins 1582 millions d’or pillé dans les réserves des banques belges, hollandaises ou luxembourgeoises, calcule la Commission. S’y ajoute l’or issu de l’holocauste en Europe de l’Est: des lingots fondus à partir de bijoux, monnaies, dents en or et autres vols, qui a été estimé à 12,5 millions de francs. Certains ont bel et bien été livrés à la BNS. Il s’agit «du lien matériel le plus direct entre le système bancaire suisse et le génocide nazi», écrit la Commission.
À côté de l’or encaissé, des avoirs livrés à l’Allemagne par les banques suisses: des fonds de privés, juifs, qui acceptent sous pression de les transférer dans des banques allemandes dès 1936. D’autres fonds en provenance de Pologne, de France ou de Hongrie, qui affluent vers la Suisse dès 1937. Pour beaucoup des économies de futures victimes du nazisme, dont une partie qui restera en mains de banques suisses: ce sont ce qu’on appellera les fonds en déshérence.
Mais encore…
Le rapport Bergier, c’est aussi des points sensibles qui n’ont connu un développement que récent ou qui sont tombés dans l’oubli: le rôle des assurances suisses, le rôle de licences octroyées à l’étranger, le transfert ou l’acquisition – puis la restitution – de biens culturels spoliés, les crédits octroyés à des sociétés actives autour des camps, la création de sociétés écrans allemandes… ou encore l’histoire des entreprises en mains suisses ou de filiales installées à l’étranger, dont certaines ont eu recours à des travailleurs forcés. Une société appartenant à Nestlé sera ainsi cédée pour la fabrication d’armements dans la Hesse, une filiale de Lonza produit des parachutes, la pharma produira des médicaments. Au sortir des années 30, l’essentiel des sociétés suisses qui avaient réussi à s’implanter en Allemagne a choisi d’y rester et a obtempéré aux lois raciales.
La Confédération et le IIIe Reich. «En Suisse, on nous a accusé de salir l’image du pays»
Il y a vingt ans, la Commission Bergier sortait son rapport sur le rôle de la Suisse en 1939-45. L’historien Marc Perrenoud, qui en a fait partie, revient sur ce moment clé.
Il y a vingt ans, la Commission Bergier publiait son rapport sur le rôle de la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale. Vous dites qu’il reste d’actualité…
Des parallèles peuvent être faits entre les résultats de nos recherches sur la période 1933-1945 et aujourd’hui. À l’époque, la Suisse est déjà touchée par des mouvements migratoires et par des décisions de fermeture. L’économie du pays est aussi déjà très mondialisée. Elle a des relations commerciales et financières essentielles avec l’Europe et les États-Unis. La Commission a aussi montré que l’application de la politique de neutralité était très floue. Elle évoluait et pouvait justifier tout et son contraire. Le constat reste valable.
Le rapport confirme le rôle déjà déterminant de la place financière.
Dans les années 1980, des travaux d’historiens avaient démontré les limites d’une vision de la Suisse résistante qui, grâce à son armée, aurait dissuadé l’Allemagne d’envahir le pays. Cette image est devenue un mythe durant la guerre froide. En fait, Marcel Pilet-Golaz (ndlr: conseiller fédéral de 1929 à 1944) avait déjà été plus lucide que d’autres en considérant que l’arme financière était sans doute plus efficace face à un IIIe Reich fortement endetté. C’est la Commission Bergier qui a diffusé cette analyse pour la première fois auprès du grand public.
La conclusion, c’est que la Suisse a simplement été terriblement pragmatique durant la guerre, non?
Disons que nous avons montré que les dirigeants ont décidé de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier, et ce dès la fin du XIXe siècle. Les contacts avec Berlin se sont maintenus, en pensant bien que l’Allemagne allait rester un pays important après 1945.
N’y a-t-il pas d’autres acquis, comme l’attitude face aux réfugiés, refoulés par le pays de la Croix-Rouge?
La Commission fait prendre conscience que la tradition humanitaire a été mise entre parenthèses par les autorités helvétiques. C’est un acquis, en effet. Même si certains persistent à dire que nous avons exagéré.
Ces critiques sur le travail de la Commission, elles existent toujours?
Des contradicteurs continuent de dire que nous avons mal travaillé, que nous nous sommes focalisés sur les seuls réfugiés juifs et que nous avons donné une image noire de la Suisse… Ces polémiques font oublier que, si le rapport est souvent critique, il n’est pas unilatéral. Une des inspirations de Bergier, c’est au contraire le concept de «zone grise» de Primo Levi. Nos travaux montrent que la Suisse était bien habitée par un antisémitisme discriminatoire, mais qu’il ne s’agissait pas de l’antisémitisme exterminatoire des nazis et de leurs collaborateurs. Par ailleurs, nous avons montré que, contrairement à une affirmation diffusée en 1997 par la chaîne anglaise BBC, aucun train pour les camps de la mort n’était passé par la Suisse.
Il y a encore de la pédagogie à faire?
La Cicad ou l’UNIL et d’autres enseignants en font depuis longtemps, mais les idées reçues persistent. La Commission a proposé une vision globale qui est évidemment complexe. La Suisse de 33-45 n’était pas monocolore. Il y a bien eu les déclarations du chef de la police fédérale Heinrich Rothmund qui craignaient l’enjuivement («Verjudung») et la surpopulation étrangère («Uberfremdung»). Il y a aussi eu les actions plus humanistes du chef de la police saint-galloise Paul Grüninger. L’attitude du chef des armées, le général Henri Guisan, qui maintenait en 1944 une grande admiration pour le maréchal Pétain, reste ambiguë.
En 2002, lors de la publication du rapport, pensiez-vous qu’il faudrait encore expliquer ses conclusions au public vingt ans après?
Oui. Le professeur Jean-François Bergier estimait qu’il faut une génération pour faire passer les résultats d’un rapport historique dans les écoles et dans la société. Le professeur Hans-Ulrich Jost, aujourd’hui à la retraite, disait en 2002 qu’il faudrait vingt-cinq ans. Nous y arrivons peu à peu. Mais on peut regretter que certains universitaires n’en aient pas plus lu et fait lire les rapports de la Commission.
Revenons sur la Commission Bergier. Quel était son mandat?
Rappelons le contexte. En 1996, la Suisse est fustigée à cause des avoirs en déshérence des victimes du nazisme que les banques géraient dans une grande opacité. Sous la pression internationale, des États-Unis surtout, le Conseil fédéral doit trouver des réponses. Il décide dans l’urgence de créer la Commission pour faire la lumière sur plus d’une vingtaine de questions controversées. Des politiciens pensaient que ce ne serait qu’une formalité, que ce groupe de recherches confirmerait que tout était en ordre.
Rappelez-nous les fonds en déshérence…
C’est un point central du mandat. Il s’agissait des avoirs des victimes des nazis qui dormaient toujours dans les coffres des banques suisses. Interpellé à l’époque, le président d’UBS Robert Studer estimait que ce n’était que des «peanuts» (ndlr: cacahuètes). Cette indifférence arrogante avait choqué à travers le monde. Nos études ont montré que ces montants étaient effectivement modestes d’un point de vue strictement comptable, alors que la place financière suisse a engrangé de plus en plus de capitaux après 1945. Mais la dimension humaine était déterminante. Dès 1946, les banques suisses s’étaient montrées très réticentes au sujet de ces avoirs, se réfugiant derrière le secret bancaire. Les consignes pour le personnel des banques étaient d’observer une méfiance absolue face à quiconque cherchait des informations.
Comment l’historien que vous êtes s’est-il retrouvé là-dedans?
Depuis 1981, je travaillais sur les documents diplomatiques suisses de la Deuxième Guerre mondiale, notamment avec Jean-François Bergier. Lorsqu’il a été nommé à la présidence, il m’a immédiatement demandé de l’accompagner, avec mes connaissances utiles des Archives fédérales. Étant le conseiller scientifique de la Commission, j’ai contribué aux deux rapports intermédiaires, à la synthèse des 11’000 pages, ainsi qu’à trois études sur la place financière.
Vous avez dit plusieurs fois que ce groupe de recherche était un exemple?
Oui. En Suisse, nous avons été accusés de salir l’image du pays. À l’international, en revanche, notre travail est respecté et admiré. La Suisse est citée comme modèle. En France, par exemple, il n’y a jamais eu d’ouverture générale des archives privées de banques et d’entreprises comme cela a été fait chez nous.
Votre mandat était-il une opération marketing envers les États-Unis ou une réelle volonté de comprendre le passé?
Les motivations des autorités étaient multiples. En 1996, l’existence du tampon «J» dans les passeports juifs n’était pas connue par tous les conseillers fédéraux, alors qu’un rapport officiel de 1957 l’avait analysé. Certains élus se disaient alors qu’il fallait expliquer aux Américains qui nous attaquaient sans nous connaître que tout s’était bien passé chez nous durant la deuxième guerre. D’autres, au contraire, étaient au courant des zones d’ombre historiques. Notamment la conseillère fédérale Ruth Dreifuss.
Il y avait encore beaucoup de naïveté de la part de cette génération mob, ceux qui avaient vécu cette période et qui restaient persuadés du rôle héroïque de la Suisse…
Ce qui m’a frappé, c’est surtout la rigidité de la génération de l’après-mob, celle de la guerre froide. Une partie du monde politique et diplomatique conservait une vision idéalisée de la Suisse. Ce n’est qu’après la publication des premiers rapports intermédiaires qu’ils ont pris connaissance de graves problèmes. C’est ce qui fait que ces cinq années d’accès aux archives privées ont vraiment été uniques: les portes se sont refermées au 31 décembre 2001. Et elles ne se sont pas rouvertes pour l’Afrique du Sud par ailleurs…
Et le grand public, qu’en a-t-il retiré?
Difficile de répondre. La Commission Bergier a publié ce qui lui paraissait le plus important en 11’000 pages et a rédigé une synthèse de 600 pages. En lisant l’ensemble de ces livres, on remarque que nos recherches apportaient des informations nouvelles et proposaient des pistes de recherches supplémentaires. D’autres personnes, après une lecture superficielle, se sont limitées aux questions les plus controversées comme celle du refoulement des réfugiés et de l’or nazi, alors qu’il y en a beaucoup d’autres. On ne peut que le regretter.
Vous dites que le rapport final n’a pas été compris à sa juste valeur?
D’abord je dis qu’il faut le lire… En 2008, quand UBS a été sauvé par le Conseil fédéral après la crise des «subprimes», certains commentaires prétendaient que ce geste était inédit. C’est faux. Si on lit les travaux de la Commission Bergier, on voit que la place financière et les entreprises suisses doivent leur prospérité aux crédits massifs de l’État qui ont été octroyés en 39-45, et qui ont par ailleurs conduit à un endettement considérable.
Le rapport montre les contrastes, mais permet aussi des excuses faciles: on a vendu des armes à l’Axe, mais aussi aux alliés. Or c’était vraiment une petite portion…
Résumer nos 11’000 pages tout en amenant une vision synthétique avec suffisamment de nuances était quasi une mission impossible. En fait, les 25 études de la Commission sont comme des travaux universitaires. Or, les thèses de doctorat ne font pas bouger la société.
Y a-t-il un décalage entre la perception du public et la place réelle de ce rapport dans l’histoire suisse?
Il y a toujours eu un décalage entre ce que les personnes actives dans la recherche historique publient et la perception que s’en fait la société. Quand le directeur des Archives fédérales Oscar Gauye a osé publier en 1985 les lettres du général Guisan, un journal vaudois l’a traité de «rat échappé de sa bibliothèque». Avant les travaux de la Commission, on nous disait «ne touchez pas à notre histoire, elle est déjà écrite».
Le rapport est rendu public le 22 mars 2002. Qu’avez-vous éprouvé?
De la satisfaction et de l’épuisement. C’était l’aboutissement de cinq années de recherches intenses. Un très vaste mandat… Avant 1996, on nous disait que les archives privées seraient très minces, voire vides et qu’elles étaient inaccessibles à cause du secret bancaire. En fait, dès 1997, il est apparu qu’elles étaient beaucoup plus abondantes et qu’il fallait des moyens supplémentaires. Nous étions également sous une pression permanente. Christoph Blocher critiquait les 22 millions de budget de la Commission. Il disait que «cela faisait cher l’historien». Mais, dans les faits, cette somme n’est pas grand-chose dans le budget de la Confédération. C’était moins que le nouveau logo de l’Administration fédérale pour lequel, en 2005, le Conseil fédéral a décidé 25 millions…
Pensez-vous avoir renouvelé la recherche historique en Suisse?
Dans un certain sens, il y a eu une rupture. La Commission était composée d’experts suisses et venant de différents pays. Elle a mis les victimes au centre de l’analyse. Elle voulait amener de la clarté et des réponses circonstanciées, mais sans opposer les générations. Par exemple celle de la mob contre celles de jeunes historiens. Nous avons voulu montrer que la société suisse est complexe.
Pouvez-vous détailler ces pressions externes?
Nous avons reçu beaucoup de lettres anonymes et hostiles. Le professeur Bergier a même été agressé une fois dans un train. Il avait été surpris par l’absence de réaction dans le wagon… Cela faisait partie de notre quotidien, mais ne nous a pas influencés.
Vous arrivez, on découvre des archives supprimées?
Il y a eu le cas de l’affaire Meili, ces dossiers d’UBS sauvés de la broyeuse par un agent de surveillance. Mais sinon, on a surtout eu l’impression de découvrir une immense masse de papiers qu’on n’arriverait jamais à traiter. On était aussi à une époque où il n’y avait pas toujours de PV. Les dirigeants se connaissaient tous, se faisaient confiance, et la culture du secret voulait qu’on laisse le moins de traces possible sur les sujets sensibles.
Quelles étaient les conditions de recherche, alors?
On était toujours très surveillés, notamment quand on entrait dans les banques. Sauf un jour; on aurait pu sortir avec les dossiers sans que personne ne s’en aperçoive. C’était celui du Grounding de Swissair, qui a provoqué une crise profonde.
Vous étiez du coup coincés dans des caves, entre deux gorilles?
Non, à force de négociations, nous avons pu faire des photocopies des archives à condition de signer chaque page, ce qui permettait aux entreprises de vérifier que rien ne soit publié avant 2002. Nous espérions garder les photocopies, les archiver ensuite et les rouvrir dès que possible afin que d’autres personnes puissent les consulter. Mais le secteur privé a obtenu du Conseil fédéral que les copies soient rendues.
Le risque, c’est que des entreprises aient depuis supprimé ces archives, et les copies…
C’est le gros problème. En 2001, l’économie privée a assuré que les archives seraient conservées. Mais les gens font ce qu’ils veulent. Je sais que des doctorants ont demandé à avoir accès à certaines de nos sources; on leur a refusé de les consulter.
Si le rapport Bergier était rédigé aujourd’hui, quelle serait sa vision des choses?
Le regard des historiens évolue toujours. Mais disons que la méthodologie du rapport Bergier va continuer à inspirer: ne pas se limiter à ce que disent les autorités ou les milieux dirigeants. Après, oui, des questions restent ouvertes. Il faudrait avoir accès aux archives privées dans plus de cas, Swissair par exemple… Prenons le cas de Bührle, marchand d’art mais aussi société qui rachète des entreprises textiles à des industriels juifs. Ceci a été évoqué par la Commission Bergier mais il a fallu attendre récemment pour une analyse approfondie. Autre cas, celui de l’engagement de nazis dans les sociétés suisses d’après-guerre, notamment dans l’entreprise actuellement possédée par la famille Blocher, ou les contacts du socialiste Robert Grimm avec d’anciens nazis. La RTS a diffusé ces informations dans une série en 2020 en se basant sur les rapports de la Commission Bergier. On voit que des impulsions sont encore nécessaires.
Vingt ans après. Les historiens se penchent sur la suite du rapport Bergier
Les volumes de la Commission d’enquête n’ont pas tout dit. Des cartons d’archives restent à ouvrir tandis que l’avenir de la recherche doit encore se dessiner.
Le professeur Jean-François Bergier ainsi que les membres de sa Commission l’ont déjà dit: le temps leur a manqué pour aller au bout de leurs recherches. Les cartons d’archives les plus importants, ceux contenant la correspondance entre UBS et ses principaux clients durant la Deuxième Guerre mondiale, n’ont été découverts que sur la fin de leur mandat. Autant de données inédites que les historiens n’ont pas forcément réussi à exploiter.
La Commission Bergier, ajoutait son président, a pu, en partant de plusieurs sources (accords de clearing et données douanières), cibler les entreprises helvétiques ayant le plus commercé avec l’Allemagne nazie jusqu’en 1945. Mais des secteurs entiers – en raison de la qualité des archives détectées et des priorités de l’équipe de chercheurs – n’ont pas pu bénéficier d’une attention poussée. On citera le secteur alimentaire — hormis Nestlé — et horloger.
Il reste donc des zones d’ombre sur le rôle de la Suisse à cette époque. Autant de pistes de recherche qui sont au menu de la journée d’études consacrée aux travaux de la commission organisée ce mercredi (lire encadré) à l’Université de Lausanne (UNIL) par Dominique Dirlewanger (historien et chercheur associé à l’UNIL) et Antoine Chollet (maître de recherches au Centre Walras Pareto). À voir si les partisans d’un tonitruant nouveau rapport Bergier ou ceux d’une approche plus classique, privilégiant des fonds de recherche, se feront entendre.
Absence de traduction
«Le débat sur cette période de l’histoire suisse est d’une intensité beaucoup plus faible aujourd’hui, ce qui peut montrer qu’il y a une forme d’acceptation des résultats de la Commission dans la société. On peut se reposer des questions qui auraient été beaucoup plus sensibles il y a plusieurs années», note Dominique Dirlewanger. Ce qui interroge, selon lui, c’est le cadre de la recherche: les volumes de la commission Bergier – qui sont majoritairement en allemand – n’ont jamais été traduits. «Ce qui n’aide pas, et on pourrait se poser la question d’une loi qui faciliterait vraiment l’accès aux archives.» L’autre question, ajoute-t-il, c’est de savoir si l’histoire économique intéresse encore le grand public ou même la relève. Aujourd’hui, «la priorité est plutôt à une histoire sociale».
Pierre Eichenberger (39 ans) est maître de recherche à l’UNIL. Selon lui, il faut poursuivre les recherches sur d’autres thématiques que celles imposées par les autorités à la commission (réfugiés, or nazi, effort de guerre). Il pense notamment à l’industrie civile: les Suisses ont livré des «turbines, engrenages et roulements à billes» à «l’Allemagne et au Japon». L’après-guerre est tout aussi important. Des entreprises helvétiques ont profité de l’expertise d’anciens cadres nazis, «comme Ems-Chemie par exemple». Par ailleurs, l’antisémitisme et le racisme, notamment colonial, ont perduré bien après 1945: «La politique suisse de restitution des biens juifs ou coloniaux spoilés reste encore un sujet méconnu.»