Stratégie nationale contre l’antisémitisme : une avancée majeure qui doit maintenant se traduire en mesures concrètes et ambitieuses

La Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD) salue l’adoption par le Conseil fédéral de la première Stratégie nationale contre le racisme et l’antisémitisme. Cette décision marque une avancée historique : pour la première fois, l’antisémitisme est reconnu au niveau fédéral comme un phénomène spécifique, nécessitant une action coordonnée et durable.

Une reconnaissance indispensable et enfin posée au niveau national

La stratégie répond à plusieurs revendications portées de longue date par la CICAD :

• La reconnaissance explicite de l’antisémitisme comme phénomène d’inquiétude, avec ses manifestations historiques et contemporaines propres.
• L’harmonisation des pratiques entre la Confédération, les cantons et les villes, afin de réduire les disparités régionales qui pénalisent actuellement la prise en charge des victimes.
• Le renforcement du monitorage et de la collecte de données, indispensable pour comprendre les dynamiques, mesurer les tendances et adapter les mesures.
• L’intégration de la société civile au processus, ouvrant la voie à un dialogue structuré auquel la CICAD contribuera pleinement comme elle le fait depuis de nombreuses années.
• La considération des nouveaux facteurs de risque, notamment l’augmentation des actes antisémites depuis la guerre au Moyen-Orient.

Ces avancées représentent un tournant majeur dans la lutte contre l’antisémitisme en Suisse.

Des attentes fortes : l’antisémitisme ne doit pas être dilué ni mal compris

Si la CICAD se félicite de ce cadre national, elle souligne néanmoins plusieurs préoccupations importantes :

• L’absence de la définition de travail de l’IHRA, aujourd’hui référence internationale pour analyser les formes contemporaines d’antisémitisme. Son adoption reste indispensable pour un monitorage précis et cohérent.
• Une approche théorique trop centrée sur le “racisme structurel”, insuffisante pour appréhender certaines logiques propres qui émergent aussi dans l’actualité.
• L’absence de mesures ciblées concernant la sécurité des communautés juives, pourtant un enjeu essentiel dans le contexte actuel d’augmentation des actes hostiles.
• Un manque de moyens explicitement alloués, qui pourrait limiter la portée des actions prévues.
• Un calendrier étalé sur plusieurs années, alors que l’intensification de l’antisémitisme exige des mesures rapides, notamment dans l’éducation et la lutte contre la haine en ligne.

La CICAD salue et attend du plan d’action 2026 qu’il comble ces lacunes et donne aux engagements fédéraux une véritable portée opérationnelle. Il reste du chemin à parcourir.

Un rôle clé pour la société civile : la CICAD continuera de répondre présente

Depuis plus de 30 ans, la CICAD documente l’antisémitisme en Suisse romande, forme et sensibilise des milliers d’élèves et de professionnels, accompagne les victimes et travaille aux côtés des institutions.
Nous continuerons de mettre notre expertise au service de la mise en œuvre de la stratégie nationale.

La CICAD veillera en particulier à ce que :

• les mesures intègrent une compréhension actualisée de l’antisémitisme,
• la prévention dans les écoles soit renforcée,
• la lutte contre la haine en ligne soit traitée avec détermination,
• la définition IHRA soit explicitement adoptée dans le plan d’action.

“Un premier pas important, qui doit maintenant être consolidé”

L’adoption de cette stratégie représente un signal fort : la Suisse reconnaît que l’antisémitisme constitue une menace pour ses valeurs fondamentales et pour la cohésion de sa société.
Mais il ne s’agit que d’un point de départ.

La CICAD appelle le Conseil fédéral, les cantons et les villes à transformer cette stratégie en actions concrètes, ambitieuses et dotées de moyens adéquats. La lutte contre le racisme et l’antisémitisme nécessite un engagement de long terme, fondé sur la rigueur, la clarté conceptuelle et la volonté politique.

Nous continuerons à agir avec détermination pour que cette stratégie devienne une réalité vécue, protectrice et efficace pour toutes les personnes concernées.