Des lieux «interdits aux juifs» à Genève? Polémique après un appel au boycott
Des lieux «interdits aux juifs» à Genève? Polémique après un appel au boycott
Une association luttant contre l’antisémitisme dénonce un appel au boycott lancé par un collectif genevois pouvant viser des artistes et sportifs israéliens. watson a joint l’ensemble des parties. Le responsable de la culture à la Ville de Genève prend position.
«Y aurait-il des lieux « Judenrein » à Genève?»
L’expression remonte à la période nazie, lorsque des endroits publics étaient interdits aux juifs ou avaient été vidés de leur présence en vue de leur extermination. Et cette question, c’est Johanne Gurfinkiel qui la pose. Le secrétaire général de la Cicad, la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation, l’a formulée de la sorte, une première fois le 26 janvier sur la chaîne Léman Bleu, puis dans un communiqué de presse daté du 31. Les propos de Johanne Gurfinkiel ont indigné le député socialiste Sylvain Thévoz, qui a déposé une question urgente au Conseil d’Etat genevois.
Qu’entend au juste dénoncer Johanne Gurfinkiel en recourant à des termes aussi lourdement connotés? Le secrétaire général de la Cicad s’en prend à la déclaration d’Apartheid Free Zone (AFZ), un collectif regroupant une centaine d’associations, syndicats, cinémas et autres espaces culturels marqués à gauche. Sur son site, AFZ, qui compare la situation en Israël et Palestine à celle de l’Afrique du Sud au temps de l’apartheid, «appelle» et «s’engage», entre autres, «à rejeter les projets culturels, académiques ou sportifs visant à détourner l’attention du crime d’apartheid». L’Etat d’Israël est dans le collimateur des signataires de la déclaration de l’AFZ.
Johanne Gurfinkiel écrit:
D’où sa question, répétée au terme de son communiqué: «Est-on en droit de penser, aujourd’hui, que des endroits à Genève soient « Judenfrei »?» – «Judenrein», écrit le secrétaire général de la Cicad au début de son texte. Johanne Gurfinkiel «en appelle aux autorités afin que des mesures soient prises pour que cesse cette pratique discriminatoire scandaleuse».
Sa démarche s’inscrit dans la continuité des actions entreprises par la Cicad à Genève, depuis les massacres du Hamas du 7 octobre, à la suite desquels des tags antisémites étaient apparus sur les murs du canton. Johanne Gurfinkiel avait demandé aux autorités d’agir plus énergiquement face la recrudescence constatée des actes antisémites.
Selon Joanne Gurfinkiel, «la déclaration d’AFZ coche les cases de l’antisémitisme en ce qu’elle s’en prend au seul Etat juif dans le monde», dit-il à watson.
Joint par watson, une collaboratrice de l’Usine, un centre autogéré bien connu à Genève et cosignataire de la déclaration d’AFZ, assure que «ce ne sont pas les artistes israéliens, mais l’Etat d’Israël qui est visé dans cet appel».
«On ne souhaite pas interdire les films israéliens»
Giuditta Ricci est responsable du cinéma genevois Cinélux, lui aussi cosignataire de la déclaration d’AFZ. «Il n’est pas question d’interdire la projection de films israéliens, sauf s’il s’agit d’œuvres de propagande, mais nous sommes par définition opposés à la propagande. La propagande, d’où qu’elle vienne, n’est pas intéressante. Ce n’est pas parce qu’un film israélien aurait reçu un financement du ministère de la Culture israélien que nous refuserions de le projeter. Le critère, c’est la culture.»
Le député socialiste demande des excuses
Dans une question urgente adressée au Conseil d’Etat genevois, le député socialiste Sylvain Thévoz prend l’expression «Judenrein» au pied de la lettre.
Contacté par watson, Sylvain Thévoz juge «inacceptables» les déclarations du secrétaire général de la Cicad.
Le député du Centre au Grand Conseil genevois Sébastien Desfayes n’est pas de cet avis. «Je comprends le sens des propos du secrétaire général de la Cicad», dit-il.
«Ce collectif, poursuit le député centriste, instaure une discrimination par rapport aux artistes israéliens, alors que l’immense majorité d’entre eux véhicule des messages humanistes, en opposition au gouvernement d’extrême droite de leur pays. Genève, c’est le rassemblement, pas l’exclusion au prétexte d’une appartenance qui dérange.»
Sébastien Desfayes se désole de l’intitulé du collectif: Apartheid Free Zone. «Parler de « free zone » est plus que déplaisant. Cela renvoie à des zones d’exclusion, des zones interdites à certains. C’est aussi une méconnaissance de la société israélienne, où la contestation contre le gouvernement Netanyahou est forte.»
La réponse du chef de la culture à la Ville de Genève
watson a demandé au conseiller administratif Sami Kanaan (PS), en charge de la culture à l’exécutif de la Ville de Genève, de commenter la déclaration du collectif Apartheid Free Zone. Nous avons également voulu savoir si cet appel au boycott dirigé contre un Etat pouvait remettre en cause les subventions publiques accordées à certaines structures cosignataires de l’appel d’AFZ. Voici la réponse du conseiller administratif: