Dieudonné condamné à 180 jours-amende pour ses propos négationnistes
Dieudonné avait nié l’existence des chambres à gaz dans un sketch. Il a également injurié et diffamé le secrétaire général de la Cicad, selon le Tribunal.
Dieudonné condamné à 180 jours-amende pour ses propos négationnistes
Une condamnation de plus. Jeudi après-midi, l’humoriste franco-camerounais Dieudonné a été reconnu coupable de discrimination raciale, injure et diffamation par le Tribunal de police de Genève. En l’absence du principal intéressé – il est en tournée –, la présidente Sabina Mascotto lui a infligé une peine pécuniaire de 180 jours-amende sans sursis (à 170 fr. le jour) pour des propos tenus lors de son passage à Genève en 2019.
Le polémiste devra également payer une partie des frais de défense de Johanne Gurfinkiel et de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad). Bien que son client soit absent pour la lecture du verdict, l’avocat de Dieudonné, Me Pascal Junod, a immédiatement annoncé qu’il fera appel de la décision de justice.
Un personnage? «Peu importe»
Dans les grandes lignes, la présidente du Tribunal de police a suivi les réquisitions du premier procureur Stéphane Grodecki. Elle a retenu la discrimination raciale pour une phrase prononcée par Dieudonné dans l’un des sketchs. Mettant en scène un Canadien dans un avion sur le point de s’écraser, le personnage lance: «Les chambres à gaz n’ont pas existé.» Sur ce point, l’humoriste et ses avocats ont soutenu que ces mots étaient ceux d’un personnage imaginaire. «Peu importe, selon la juge Sabina Mascotto. Il est le seul responsable de ces propos.»
Rappelant les accointances de Dieudonné avec Alain Soral, «antisémite notoire», et Robert Faurisson, historien négationniste mort en 2018, la juge l’a condamné pour «atteinte à la dignité humaine. Rien ne justifie de minimiser l’immense souffrance du peuple juif et de nier l’existence des chambres à gaz», a-t-elle poursuivi.
Sur ce point, Dieudonné et ses avocats soutenaient que le sketch s’inscrivait dans une critique de «l’instrumentalisation de la Shoah par les associations». Réponse de la juge: «Cette explication n’est pas soutenable. Le prévenu était mû par un mobile discriminatoire.»
Par ailleurs, les nombreuses condamnations du polémiste en France ont pesé sur l’appréciation faite par la justice genevoise.
«La liberté d’expression ne permet pas de tout dire. Le Tribunal l’a rappelé avec courage.»
Dans le même dossier, le Tribunal était amené à prendre une décision sur les échanges entre Dieudonné et Johanne Gurfinkiel. Répliquant après une interview donnée par le secrétaire général de la Cicad sur Radio Lac, Dieudonné l’avait qualifié de «raciste, malhonnête, et menteur». Si la diffamation n’a pas été retenue pour les deux derniers termes, Dieudonné a bien porté atteinte à l’honneur de Johanne Gurfinkiel lorsqu’il a affirmé que ce dernier était un «raciste, un homme portant en lui l’héritage des négriers juifs».
Enfin, Dieudonné est également condamné pour avoir dit: «La Cicad, il faut leur dire d’aller se faire enculer.»
«Seulement une phrase»
À entendre l’avocat de l’humoriste, l’affaire ira donc devant la Chambre d’appel. «Il y a beaucoup de critiques à faire sur ce jugement», réagit à chaud Me Pascal Junod. «Alors que mon client a joué le même spectacle en France, un pays plus restrictif en matière de liberté d’expression, il n’a eu aucun problème. On a pris une phrase dans un spectacle. On a fait une sélection pour le condamner», dit-il.
Dans le camp de la Cicad, le verdict est accueilli comme «une nouvelle étape dans le combat mené contre l’antisémitisme». «Je suis très satisfait, fait savoir Johanne Gurfinkiel. La décision du Tribunal confirme l’engagement du Ministère public genevois face à des propagateurs de messages antisémites tels que Dieudonné.»
Pour Me Philippe Grumbach, avocat de la Cicad et de son secrétaire général, «la liberté d’expression ne permet pas de tout dire. Le Tribunal l’a rappelé avec courage. Il n’y a là aucun élément liberticide.»