La CICAD réalise un clip vidéo pour alerter sur l’embrasement de l’antisémitisme

La CICAD réalise un clip vidéo pour alerter sur l’embrasement de l’antisémitisme

Les incidents antisémites en Suisse connaissent une forte hausse depuis le 7 octobre. Les communautés juives se disent confrontées à des avalanches de témoignages d’insultes, de graffitis et de débordements sur les réseaux sociaux. Elles tirent la sonnette d’alarme.

 

Des voies de fait ont été signalées à Zurich, notamment l’agression par deux jeunes d’un homme portant un collier avec l’étoile de David. La conseillère nationale zurichoise Sonja Rueff-Frenkel a été traitée de «Scheiss Jude» alors qu’elle distribuait des flyers. La Cicad (Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation) est soumise à une «avalanche» de témoignages d’actes antisémites, «un nombre qu’on n’avait pas connu sur un temps aussi court», signale son secrétaire général, Johanne Gurfinkiel.

La Fédération suisse des communautés israélites «considère avec inquiétude ce qui pourrait se passer en Suisse si le conflit devait continuer à s’aggraver», en constatant le nombre croissant d’incidents antisémites depuis dix jours. Le conflit est bel et bien en train de s’importer en Suisse, ne serait-ce que sur le terrain miné des émotions et des insultes, mais aussi sur celui de la politique.

Interdire les manifestations

«L’antisémitisme est un loup qui dort», illustre Anne Weill-Lévy, élue verte à Blonay-Saint-Légier et membre active de la communauté israélite de Lausanne. «Et je ressens une montée antisémite très forte depuis dix jours. Cette haine existe, même si l’on n’a pas la même population qu’en France, la même histoire coloniale, on accueille les Frères musulmans.»

 

Selon l’ancienne présidente de la Cour des comptes, les attaques terroristes qu’a subies Israël le 7 octobre sont déjà oubliées. «Israël riposte: c’est de la faute aux Juifs. On redevient les ennemis», déplore-t-elle. Dans une telle période de conflit, il faudrait, de son point de vue, utiliser la clause générale de police pour interdire les manifestations afin de faire redescendre la pression. «Les manifestations pro-palestiniennes – comme celle de jeudi soir à Lausanne, organisée par les Jeunes POP, soutenue par les Jeunes Verts et les Jeunes socialistes – polarisent les discours et mettent en danger les populations juives de Suisse», alerte l’écologiste. «J’ai mal à la gauche. J’attends qu’elle adopte une position humaniste, pour la paix», appelle-t-elle.

Une omniprésence du conflit importé

Ce jeune Juif lausannois de 27 ans a décidé de retirer l’étoile de David brillant à son cou, offerte par sa sœur lors de sa bar-mitsvah. Il l’a rangée la semaine dernière dans un tiroir, attendant des jours plus calmes pour la ressortir. «Je préfère faire profil bas, explique-t-il. Je ne dirais pas que j’ai peur pour ma sécurité, je ne crains pas de faire l’objet d’attaques physiques, mais c’est plutôt l’omniprésence de remarques déplacées, passives-agressives, qui me portent sur le système.»

 

Evoluant dans le milieu culturel, au sein de sphères «de gauche», il est en ce moment plus que jamais confronté à des positionnements pro-Palestiniens qui le prennent à partie sans qu’il le veuille. «Beaucoup confondent Juifs et Israéliens: je ne soutiens pas forcément la politique d’Israël, mais encore moins celle de la Palestine.» Le conflit importé au sein du territoire suisse est omniprésent, dans la rue, sur les réseaux sociaux, selon lui.

L’espace autogéré (ancienne Dolce Vita) de la rue César-Roux à Lausanne a été repeint aux couleurs palestiniennes avec cette inscription: «Stop génocide». Le jeune homme réfléchit à prendre contact avec ses membres pour les confronter à ce terme de «génocide» et leur «faire prendre conscience que ça blesse des gens, les Juifs, les Arméniens, qui ont été victimes de génocide, alors que la population palestinienne ne cesse de croître».

 

Un clip vidéo pour alerter sur l’embrasement de l’antisémitisme

La CICAD tire la sonnette d’alarme. Elle finalise un clip vidéo regroupant les débordements antisémites déjà constatés, qu’elle va diffuser dans le but d’alerter la population quant à l’embrasement de l’antisémitisme en Suisse. «Des propos inqualifiables ont été tenus dans des manifestations autorisées, sans que leurs auteurs soient interpellés, signale le secrétaire général de la Cicad, Johanne Gurfinkiel.

 

Des élèves sont alpagués en classe, par leurs pairs ou des éducateurs, sur le conflit actuel, des cas d’antisémitisme sont recensés dans des établissements scolaires. Ce n’est pas tolérable. Nous rencontrerons prochainement Anne Hiltpold, ministre de l’Instruction publique dans le canton de Genève, pour aborder la gestion des cas d’antisémitisme.» Les communautés juives ont, de leur côté, diffusé une information à leurs membres pour leur enjoindre de dénoncer tout cas d’antisémitisme au vu du climat actuel. La CICAD se dit noyée sous une avalanche de témoignages depuis le 7 octobre. Un travail d’analyse et de vérification se fait pour chaque cas dénoncé, elle apporte ensuite une réponse adaptée à chacun.

«Il ne faut pas attendre qu’un incendie se déclare pour réagir. Le sentiment d’inquiétude des Juifs de Suisse est très fort et nécessite que l’expression publique de la solidarité se fasse entendre. Quant à la sécurité, elle doit s’adapter aux risques, c’est la tâche régalienne de l’Etat», rappelle Johanne Gurfinkiel. Il voit aussi des gens se cacher derrière le terme «antisionisme» pour ne pas être accusés d’antisémitisme. «L’antisionisme est un appel très clair à l’annihilation d’Israël, les gens peuvent se recroqueviller derrière: ce type de propos est clairement antisémite», dénonce-t-il. Pour nombre de Juifs en Suisse, une ligne rouge est désormais franchie. «L’amour et la haine dépassent toujours les bornes», avertit le Talmud.