«Ignoble et inacceptable». Les messages à caractère raciste, antisémite et misogyne des barbouilleurs des brandons indignent à Payerne
«Ignoble et inacceptable». Les messages à caractère raciste, antisémite et misogyne des barbouilleurs des brandons indignent à Payerne
Sur la vitrine du magasin Manor fermé récemment et propriété de la famille juive Bladt, on pouvait par exemple lire: «Liquidation finale, solde de 39 à 45%.» Et sur la vitrine d’à côté, de la boutique Marionnaud: «On a gazé la blatte, on a le monopole.» Secrétaire général de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad), Johanne Gurfinkiel déplore et condamne ces agissements: «C’est consternant, d’autant plus que ce n’est pas le premier dérapage constaté lors de ce carnaval.» Il fait référence au cortège de 2009, où un char portait une boille ensanglantée et barbouillée de l’épitaphe «ci-gît Chessex», faisant allusion au meurtre en 1942 d’Arthur Bloch parce qu’il était juif, crime relaté dans un roman de Jacques Chessex sorti cette année-là. «C’est ignoble et inacceptable. Les autorités prennent les choses avec trop de légèreté», continue Johanne Gurfinkiel.
Des propos écrits dans le cadre des brandons sur les vitrines choquent par leur caractère haineux.
Il n’y a pas que les confettis qui laissent des traces en ce début de semaine à Payerne. Alors que les brandons se sont terminés dans la nuit de lundi à mardi, des messages écrits sur les vitrines au début du week-end continuent de blesser. Comme le veut la tradition, les barbouilleurs – qui sont anonymes et masqués – ont pris leurs pinceaux dans la nuit de vendredi à samedi pour inscrire des anecdotes sur les vitrines des commerces. Seulement, cette année, des propos ne passent pas.
Comme l’a révélé la RTS mardi, certains messages avaient un caractère haineux, raciste, contre les femmes ou encore antisémite. La députée au Grand Conseil vaudois d’Ensemble à gauche Mathilde Marendaz a relayé sur les réseaux sociaux plusieurs photos prises ce week-end et qui lui ont été transmises. «Ce n’est pas acceptable. Ces messages stigmatisent des communautés étrangères ou des femmes. Cela les exclut des brandons et de la société en général. Ce n’est pas tolérable aujourd’hui en Suisse», s’insurge-t-elle.
Racisme et antisémitisme
Sur la vitrine du magasin Manor fermé récemment et propriété de la famille juive Bladt, on pouvait par exemple lire: «Liquidation finale, solde de 39 à 45%.» Et sur la vitrine d’à côté, de la boutique Marionnaud: «On a gazé la blatte, on a le monopole.» Secrétaire général de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad), Johanne Gurfinkiel déplore et condamne ces agissements: «C’est consternant, d’autant plus que ce n’est pas le premier dérapage constaté lors de ce carnaval.» Il fait référence au cortège de 2009, où un char portait une boille ensanglantée et barbouillée de l’épitaphe «ci-gît Chessex», faisant allusion au meurtre en 1942 d’Arthur Bloch parce qu’il était juif, crime relaté dans un roman de Jacques Chessex sorti cette année-là. «C’est ignoble et inacceptable. Les autorités prennent les choses avec trop de légèreté», continue Johanne Gurfinkiel.
Ailleurs au centre-ville, sur la devanture d’un restaurant libanais, il est en outre inscrit: «Quand votre commande est prête, on vous bipe. Vous verrez, c’est de la bombe.» Contacté par La Liberté, le propriétaire Ghassen Hentati se dit choqué par ce message. «C’est apparemment lié à un événement entre le Hezbollah et Israël qui a fait 2000 victimes. C’est déplacé, et cela nuit à l’image des brandons», estime-t-il. Le patron ne compte néanmoins pas porter plainte. «Les brandons sont une fête conviviale et ouverte à tous. Il ne faut pas gâcher l’événement», commente-t-il. Autres exemples de slogans choquants: «Dans la journée, on a les yeux plissés», sur la vitrine d’un commerce de produits asiatiques, ou encore: «En haut une escalope sur une salade, en bas une escalade sur une *alope», sur les vitres d’un hôtel.
De son côté, Mathilde Marendaz ne compte pas en rester là. Son groupe prévoit de déposer au Grand Conseil vaudois une interpellation pour demander qu’il y ait un monitoring et un suivi des actes à caractère raciste dans le canton. «Il est nécessaire de réagir pour faire barrage à ce type de banalisation de certaines formes de haine», insiste-t-elle. Deux députés ont dénoncé ces tags mardi lors de la séance du Grand Conseil vaudois.
Importance des traditions
La commune de Payerne, ainsi que le Comité des masqués, organisateur des brandons, ont réagi mardi après-midi à la polémique en envoyant chacun de leur côté un communiqué de presse. Ils rappellent l’importance des traditions pour Payerne, particulièrement ancrées lors d’événements comme les brandons. Ils soulignent que la satire est très présente lors de la manifestation, et ce, sous différentes formes telles que les vitrines, les chars et le journal. Déplorant la teneur des propos sur certaines vitrines, la municipalité informe que leur contenu ne lui est pas soumis au préalable. Les autorités assurent entretenir un lien étroit avec le comité organisateur des brandons, ajoutant qu’elles aborderont ce sujet délicat «afin de les sensibiliser sur l’importance du respect qui doit être porté à chacun».
« Nous nous excusons d’avoir heurté la sensibilité de certaines personnes »
Vincent Marcuard·Président du Comité des masqués
Le Comité des masqués a, lui, un droit de regard sur ce qui va être écrit. Aucune censure n’a été faite sur les messages prévus cette année, indique le président Vincent Marcuard. «Avec la satire, c’est toujours délicat. La frontière entre l’humour piquant et l’offense peut être mince. Malheureusement, nous n’avons pas réagi et nous avons dépassé la ligne rouge. Nous sommes conscients du problème, et nous le prenons comme une leçon», commente-t-il en ajoutant: «Nous nous excusons d’avoir heurté la sensibilité de certaines personnes et regrettons sincèrement que cela ait pu blesser ou mettre mal à l’aise la population et les commerçants.»
Selon le président, aucune plainte n’a été déposée pour le moment. Et à sa connaissance, il n’y a jamais eu de plainte contre les écrits des barbouilleurs. Pour ce qui est de l’avenir, le Comité des masqués dit vouloir réfléchir sur la manière de «concilier tradition satirique et la prise en compte des sensibilités de chacun».
Commentaire: faire preuve de courage face au racisme ordinaire
«La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres» est une expression bien connue. Rédigée au XIXe siècle, elle n’a rien perdu de sa modernité, comme le prouvent les propos antisémites, dégradants et haineux à l’encontre des femmes et de minorités étrangères apparus sur les vitrines des commerces payernois. Sous couvert d’humour, ils projettent un reflet immonde du racisme ordinaire qui, sournoisement, continue à ronger notre société, à l’instar du meurtre d’Arthur Bloch, dont le souvenir semble plus vivace que jamais.
La municipalité n’a pas tardé à se décharger de la responsabilité de ces écrits qu’elle déplore, tout en soulignant que la satire est très présente durant les Brandons. Mais soyons rassurés, ce sujet «délicat» va être abordé avec le comité organisateur. Autant dire que face à une réaction si passive, nous ne sommes pas rassurés du tout. Etre un rempart face à ceux qui propagent la haine, condamner fermement et prendre des mesures. Montrer l’exemple! Et surtout faire preuve de courage. Voilà ce que nous attendons de nos autorités.