Le Ministère public enquête sur les tags peints durant les Brandons de Payerne
Le Ministère public enquête sur les tags peints durant les Brandons de Payerne
L’autorité de poursuite estime qu’il existe un soupçon d’une commission d’infraction pénale de discrimination et incitation à la haine.
Trois ans de prison au plus ou une peine pécuniaire. Voilà la sanction qui pourrait être infligée aux responsables des tags peints sur les vitrines des commerces payernois durant les brandons début mars, indique Vincent Derouand responsable communication au Ministère public vaudois.
En effet, l’autorité de poursuite a annoncé jeudi avoir ouvert une instruction pénale le 14 mars. Une décision prise après examen des messages controversés qui avaient créé une polémique au sein de la population. Leur contenu avait fait réagir plusieurs députés du Grand Conseil vaudois et jusqu’à la présidente du Conseil d’Etat, Christelle Luisier, qui avait déploré leur caractère jugé raciste et sexiste.
Incitation à la haine
«Le Ministère public a estimé qu’il existe un soupçon d’une commission d’infraction pénale de discrimination et incitation à la haine. L’instruction en cours doit permettre notamment de définir la portée de ces messages», explique le communiqué. En d’autres termes, il s’agit de déterminer si les tags revêtent ou non un caractère pénal sur la base de l’article 261 bis du Code pénal. Ce dernier interdit l’appel public à la discrimination raciale, le dénigrement et les propos portant atteinte à la dignité humaine en raison de la «race», de l’ethnie ou de la religion. Notons que, s’il y a infraction, celle-ci est poursuivie d’office.
« En voyant ces tags et ce char, il nous est apparu que tout cela tombait sous le coup de l’article 261 bis du Code pénal. Il était donc nécessaire de réagir »
La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra-Vaud) a, rappelons-le, déposé le 31 mars une dénonciation pénale qui sera traitée dans le cadre de l’instruction, aucune autre dénonciation n’a été reçue, note Vincent Derouand.
Pour le président de la Licra-Vaud, Antoine Reymond, la teneur de cinq graffitis et le thème d’un des chars faisant partie du grand cortège des brandons ont motivé la décision. Le groupe de Barbouilleurs agissant masqué et de nuit, selon une ancienne tradition brandonnesque, a notamment peint «Liquidation finale, solde de 39 à 45%», «On a gazé la blatte, on a le monopole», «Quand votre commande est prête, on vous bipe, vous verrez, c’est de la bombe.»
Quant au char de carnaval, il mettait en scène des personnes habillées en juif orthodoxe alors que dessous figurait l’inscription «On les aura». La thématique du char étant un hommage aux films de Louis de Funès.
«En voyant ces tags et ce char, il nous est apparu que tout cela tombait sous le coup de l’article 261 bis du Code pénal. Il était donc nécessaire de réagir. Nous attendons désormais une détermination de la justice afin de savoir si ces propos étaient antisémites et racistes. C’est le droit qui doit déterminer le caractère de ces messages, pas l’opinion publique», souligne Antoine Reymond.
«Dialogue constructif»
Une initiative saluée par la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad), qui dit en prendre acte. La Cicad a toutefois opté pour une autre stratégie, explique son secrétaire général Johanne Gurfinkiel. «Le Ministère public s’est déjà saisi de l’affaire donc cela ne servirait à rien de l’informer par le biais d’une nouvelle dénonciation pénale. Nous nous sommes orientés vers une approche visant à travailler main dans la main avec la Municipalité de Payerne en instaurant un dialogue constructif.»
Et d’ajouter: «Nous souhaitons trouver une issue positive à ces tags et au char en réfléchissant à la bonne manière d’opérer un travail de prévention, de sensibilisation et de mémoire dans la ville.»
La commune, qui prévoit de communiquer vendredi au sujet du travail réalisé avec la Cicad, dit prendre acte de la décision du Ministère public.
Pas de réaction en revanche du comité des brandons, son président Vincent Marcuard n’a pas souhaité faire de commentaire. Idem pour le municipal payernois Lionel Voinçon, directement impliqué dans l’inscription des messages puisqu’il faisait partie du groupe des Barbouilleurs. Alors qu’il est candidat au poste de syndic, dont l’élection aura lieu le 13 avril, il préfère ne pas réagir à l’annonce de l’ouverture de l’instruction pénale.