Pour lutter contre l’oubli, un «enfant caché» témoigne aux côtés de la CICAD, de la barbarie nazie

Pour lutter contre l’oubli, un «enfant caché» témoigne aux côtés de la CICAD, de la barbarie nazie

André Panczer, Parisien juif dont la fuite l’a amené à trouver refuge à Genève, a témoigné devant des élèves de l’école privée Moser.

 

En bref:

  • André Panczer a partagé, ce mardi, son parcours émouvant et ses expériences de survie avec des élèves de l’école privée Moser.
  • La Cicad organise des rencontres éducatives avec des survivants de la Shoah.
  • L’objectif est de transmettre la mémoire de l’holocauste aux jeunes.
  • Cette initiative inclut un voyage d’études à Auschwitz.

«On a étudié la Shoah en classe. Mais entendre le témoignage de quelqu’un qui a vraiment vécu ça, en sortant de la stricte dimension historique neutre, c’est complètement différent. Ça marque énormément.» Augustin, Alessandro et Daniel, 17 ans, sont élèves à l’école privée Moser, à Chêne-Bougeries. Ce mardi, avec plus de 80 camarades, ils ont écouté le récit d’André Panczer, un «enfant caché» qui a fui les nazis, a trouvé refuge à Genève puis chez un couple zurichois.

Ils ont aussi découvert le témoignage de Cécile Interlegatore, 77 ans, qui a, elle, brièvement partagé une partie de la vie de son père. Déporté dans le camp de concentration d’Auschwitz, celui-ci a réussi à survivre en étant sélectionné pour produire de la fausse monnaie – Hitler a fait falsifier des billets britanniques pour les larguer sur la Grande-Bretagne afin d’affaiblir son économie.

Ces rencontres témoignages, proposées également dans les écoles publiques, sont organisées par l’association genevoise la Cicad (Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation). Pour perpétuer le travail de mémoire de l’holocauste, pour ne jamais oublier, pour que les nouvelles générations deviennent des témoins lorsque les derniers rescapés directs de la Shoah ne seront plus là.

Dans cette même optique, la Cicad organise en novembre un voyage d’études à Auschwitz avec 200 élèves de cinq écoles privées genevoises ainsi que des enseignants.

Aide, délation et camp de travail

Avant le voyage sur place, place au récit. Sa survie, André Panczer la doit essentiellement à des lueurs d’humanité ayant perduré durant les années de ténèbres, sous la forme d’une voisine courageuse, de résistants, de passeurs, de familles d’accueil. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, en 1939, André est âgé de 4 ans. Les souvenirs d’enfance de ce Parisien, né de parents juifs originaires de Hongrie et de Pologne, sont rapidement remplis de restrictions imposées aux juifs, de l’étoile jaune objet de railleries, de rafles.

Son père échappe d’ailleurs de justesse à une arrestation, caché par une voisine qui lui ouvre sa porte alors qu’elle le connaît à peine. C’est le début d’une longue cavale pour la famille. Elle commence chez la mère de la voisine, dans un village du sud de la France administré par le gouvernement de Vichy. Les faux papiers fournis par le secrétaire de mairie n’empêchent pas la délation: le père d’André est arrêté et interné dans un camp de travail. Il réussira à s’enfuir mais emportera la tuberculose avec lui. En avril 1943, André et sa mère le rejoignent à Nice, «où il y avait près de 35’000 réfugiés juifs, car cette zone était occupée par les Italiens, qu’on disait moins antisémites que les Allemands. Nous avons ensuite été répartis dans d’autres villes.»

Avec la capitulation italienne, la relative sécurité finit par tomber. «Mes parents ont décidé de me confier à une organisation (ndlr: le Mouvement de la Jeunesse sioniste) qui essayait de sauver les enfants juifs en les plaçant à l’étranger. Un matin de septembre 1943, mon père m’a amené à la gare, il m’a lâché la main et a disparu.» Le petit garçon s’agrippe à d’autres mains, qui le conduisent à Annecy puis Annemasse. C’est là qu’il devra traverser la frontière, avec une dizaine d’autres enfants.

Les camps des Cropettes et des Charmilles

«Des passeurs nous ont aidés à passer une rivière, le Foron, et nous ont dit de creuser la terre sous les barbelés. Puis de courir le plus loin possible.» Au bout de leur course, ils tombent sur un garde-frontière suisse.

Sauvés. André est emmené à Genève, dans l’école des Cropettes, reconvertie en centre d’accueil pour les réfugiés, puis au stade des Charmilles, à la pelouse recouverte de baraquements provisoires. Un problème médical l’entraîne à l’hôpital, où il fait une rencontre déterminante: la mère de son voisin de chambre, secrétaire à la Croix-Rouge.

Elle lui apporte bien vite les mêmes cadeaux qu’à son fils et, surtout, elle lui permet de localiser sa maman et de renouer le contact. Il est encore trop dangereux de rentrer en France, alors grâce au réseau de l’organisation, André est recueilli par un couple «au fin fond du canton de Zurich. La dame m’a tout de suite acheté des chaussures pour remplacer mes souliers en carton bouilli et aux semelles de bois.»

Le petit garçon apprend «les rudiments du schwyzerdütsch» et le couple devient «tante et oncle». Il restera avec eux durant deux ans avant d’enfin retrouver, à la fin de la guerre, sa mère et son père, que la tuberculose emportera peu après. «Je suis encore aujourd’hui en relation avec des proches de mon oncle et de ma tante. Ces deux ans passés auprès de ce couple m’ont marqué à vie.»