Sécurité renforcée et hausse des actes antisémites: la Suisse est exposée à une menace terroriste «élevée»

Alors que l’Europe a été frappée par de nouveaux attentats islamistes et que le Proche-Orient risque l’embrasement, la menace terroriste reste élevée. Des mesures de protection supplémentaires ont été prises pour les communautés juives du pays.

« On a entendu des appels à la haine envers les juifs, des propos conspirationnistes lors d’une manifestation à Genève. On peut clairement parler d’apologie du terrorisme. »

Alors que l’Europe a été frappée par de nouveaux attentats islamistes et que le Proche-Orient risque l’embrasement, la menace terroriste reste élevée. Des mesures de protection supplémentaires ont été prises pour les communautés juives du pays.

Place fédérale bouclée. Aile ouest du Palais fédéral et centre des médias évacués. Après plusieurs heures sous tension ce mercredi à Berne, ces mesures préventives ont finalement été levées dans l’après-midi.

L’alerte est survenue alors que le terrorisme replonge l’Europe dans la peur. Deux nouvelles attaques islamistes ont été commises ces derniers jours dans un contexte où le conflit entre le Hamas et Israël vient faire craindre l’importation d’une haine ravivée entre musulmans et juifs sur le Vieux Continent.

Menace «élevée»

La Suisse risque-t-elle d’être frappée, elle aussi? Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) n’a pour l’heure pas relevé son niveau d’alerte: la menace terroriste reste maintenue à un niveau dit «élevé». Cette évaluation n’a pas évolué depuis 2015 et reste la plus haute de l’histoire récente du pays. Les derniers événements la «confirment», indique le SRC.

«Le scénario d’attentat le plus plausible consiste en une attaque à motivation djihadiste commise par un individu isolé. Selon l’appréciation du SRC, ce type d’attaque vise des cibles faiblement protégées, comme un rassemblement de personnes, et nécessite peu de moyens logistiques et organisationnels», explique Isabelle Graber, cheffe communication des renseignements.

Elle rassure d’emblée: «Le SRC n’a pas d’indice de planification concrète de tels actes en Suisse.»

Le Service de renseignement de la Confédération n’a pas d’indice de planification concrète de tels actes en Suisse.

Isabelle Graber, cheffe communication du SRC

Aujourd’hui, une quarantaine de personnes représentent une «menace prioritaire» pour la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, selon l’évaluation des services secrets.

Présence policière renforcée

Dans ce contexte, nous avons appris que des mesures de protection supplémentaires avaient notamment été prises pour protéger les communautés juives du pays, qui comptent entre 18 000 et 25 000 personnes au total. Une partie craint en effet d’être prise pour cible en raison de la situation explosive au Proche-Orient.

Nous avons notamment renforcé notre présence aux abords des lieux de culte, des écoles et des organisations diplomatiques.

Alexandre Brahier, porte-parole de la police genevoise

A Genève, qui accueille la plus grande communauté de Suisse romande, le dispositif a été adapté depuis l’attaque du Hamas, le 7 octobre dernier. «Nous avons notamment renforcé notre présence aux abords des lieux de culte, des écoles et des organisations diplomatiques. Nous protégeons tous les sites et ce peu importe les parties prenantes impliquées et leurs idéologies», souligne Alexandre Brahier, porte-parole de la police cantonale genevoise.

«Débordements»

Une présence renforcée qui semble toutefois faible en regard des milliers de policiers et gendarmes déployés en France pour renforcer des centaines de lieux de cultes juifs. S’il indique recevoir de nombreux messages d’angoisse, Johanne Gurfinkiel ne remet pas en doute la gestion sécuritaire des autorités.

Le secrétaire général de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad) estime que la situation en France n’est pas comparable à la Suisse, où aucune attaque terroriste n’a notamment été commise contre des juifs.

On a entendu des appels à la haine envers les juifs, des propos conspirationnistes lors d’une manifestation à Genève. On peut clairement parler d’apologie du terrorisme.

Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la Cicad

Mais notre pays n’est pas épargné par un fort regain d’actes antisémites ces dix derniers jours. Johanne Gurfinkiel ne cache pas son inquiétude face à de nouveaux «débordements».

Des cas ont notamment été recensés dans des écoles genevoises où des enfants ont été pris à partie. «Il y a eu des agressions verbales, comme ‘sale juif’ ou des écoliers entonnant le cri nazi ‘Sieg Heil’ en entrant dans une classe. ‘Vive le Hamas’, ‘A mort Israël’ ou ‘Vous allez tous crevés’ ont aussi été inscrits sur des cahiers d’élèves juives», détaille-t-il. Une hausse d’inscriptions antisémites dans les rues a aussi été constatée.

«Limites à ne pas franchir»

Mais ce qui frappe le plus le secrétaire général de la Cicad, ce sont les discours prononcés lors de manifestation pro-palestinienne à Genève ces derniers jours. «On y a entendu des appels à la haine envers les juifs, des propos conspirationnistes. On peut clairement parler d’apologie du terrorisme. C’était à vomir. Je m’étonne encore que de tels débordements n’aient fait l’objet d’aucune prise de position de nos autorités et responsables politiques.»

Johanne Gurfinkiel attend des autorités publiques un «discours clair» qui rappelle «haut et fort les limites à ne pas franchir pour continuer à coexister pacifiquement dans ce pays». «Les choses commencent déjà à déraper, créant un climat délétère. La situation va encore aller crescendo au gré de l’évolution de la situation au Proche-Orient.»