Un fasciste assumé condamné à de la prison ferme
Le prévenu, qui a publié des propos antisémites et négationnistes sur son blog et sur un compte Twitter durant deux ans, écope d’une peine de 160 jours.
Un fasciste assumé condamné à de la prison ferme
Un quinquagénaire suisse qui se présente comme un fasciste décomplexé a été condamné à plus de cinq mois de prison ferme, une rareté à Genève. Cet homme assume les propos publiés sur son compte Twitter. Il explique à la justice avoir créé et alimenté un site et un compte en tant que «combattant politique engagé dans la défense de l’identité des Européens». Il se définit comme un raciste «sans haine», un xénophobe et un antisémite.
La Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad) vient d’obtenir une victoire de taille à son sujet. Selon nos informations, le Ministère public, alerté par la Cicad, a condamné le prévenu pour violation de la norme pénale antiraciste. Interpellé le 16 mai, il a écopé d’une peine de 160 jours de prison ferme. Il a déjà passé 55 jours derrière les barreaux en détention provisoire et a été libéré au mois de juillet. Après sa récente condamnation par ordonnance pénale, il lui reste à purger le reste de sa peine.
Pourquoi une sanction si sévère? «Une peine privative de liberté est nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits», conclut l »ordonnance pénale que nous avons consultée. Dans sa décision, le Parquet retient donc l’article 261 bis, condamnant «l’incitation publique à la haine ou à la discrimination envers les personnes ou les groupes de personnes fondée sur l’appartenance raciale, ethnique ou religieuse».
Il est reproché au prévenu d’avoir sévi en 2018 et 2019 sur son compte Twitter et sur un site internet qu’il éditait. La procureure Gwénaëlle Gattoni cite dans son ordonnance quelques exemples de propos tenus sur internet: «les preuves de la Shoah montrées au grand public depuis 1945 sont sans valeur», ou «l’histoire de l’holocauste est fondée sur un délire continu», et encore «l’impossibilité scientifique de l’holocauste a été prouvée». Le quinquagénaire évoque aussi une survivante de «LOLocauste (sic) gazée et transformée en savon».
«Mépris de la communauté juive»
Les policiers ont analysé son site et constaté que «la majorité des articles postés sont des copies d’articles provenant d’autres sites. Les articles disponibles sur son site se comptent par milliers, dont la grande majorité revêt un caractère négationniste, raciste ou fasciste.» Pour le Ministère public, le prévenu a publiquement nié l’existence de l’holocauste. Ses propos n’étaient pas «uniquement destinés à son cercle privé et étaient accessibles à un nombre indéterminé de personnes.» Cette «publicité» contribue à fonder la violation de loi.
L’ordonnance lui reproche donc d’avoir méprisé la communauté juive en mettant en relation «une survivante de l’holocauste avec les termes «gazée» et «transformée en savon». La procureure cite une autre publication sur le site du prévenu parlant de «la négresse macroniste Laetitia Avia […] qui met au menu de l’Assemblée la criminalisation du doute quant au bienfait du traveloïsme». Aux yeux du Parquet, ce genre de phrases sont antisémites, négationnistes et racistes.
«Un raciste sans haine»
Dans ses auditions, le principal intéressé a indiqué être l’éditeur du site au cœur du litige et affirmé assumer la responsabilité de son contenu. Il raconte l’avoir transféré vers un hébergeur aux États–Unis «pour des raisons de sécurité et de pérennité».
Le Ministère public a conclu que les motivations du prévenu relèvent de la seule convenance personnelle, sans considération pour les interdits ainsi que d’une volonté déplorable de partager publiquement son mépris envers des groupes de personnes en raison de leur race ou leur religion. Contactée, l’avocate de la défense n’a pas fait de commentaire sur l’ordonnance.
«Cette nouvelle condamnation du chef de discrimination raciale d’un négationniste à une peine ferme démontre qu’il faut poursuivre sans relâche ceux qui prônent et véhiculent la haine antisémite via les réseaux sociaux notamment.»
La Cicad soumet régulièrement des cas qu’elle juge problématiques à la justice (Soral, Dieudonné). C’est ainsi qu’un négationniste a été condamné à cinq mois de prison ferme en 2015. Elle a aussi obtenu devant le Tribunal fédéral en 2017 que la quenelle soit considérée comme un geste antisémite. Avocat de la Cicad, Me Philippe Grumbach salue «la détermination du Ministère public genevois. Cette nouvelle condamnation du chef de discrimination raciale d’un négationniste à une peine ferme démontre qu’il faut poursuivre sans relâche ceux qui prônent et véhiculent la haine antisémite via les réseaux sociaux notamment.»
Secrétaire général de la Cicad, Johanne Gurfinkiel abonde dans le même sens: «Le Ministère public mérite d’être salué pour son action. Face au racisme, l’antisémitisme et la discrimination, la tolérance zéro est de mise pour les quelques activistes tels que celui qui vient de faire l’objet d’une condamnation.»