Zones «judenrein», la polémique enfle

Zones «judenrein», la polémique enfle

Vendredi dernier, sur notre plateau, le secrétaire général de la CICAD Johanne Gurfinkiel dénonçait l’existence de zone «judenrein», sans juifs, à Genève. Sa prise de parole n’a pas tardé à faire réagir. Un député socialiste demande sa démission, le collectif Apartheid-Free Zone menace de porter plainte.

Vendredi passé, le secrétaire général de la CICAD, Johanne Gurfinkiel a dénoncé la campagne AFZ, Apartheid-Free Zone. Cette campagne AFZ regroupe des lieux, commerces, ONG ou associations appliquant un mouvement dit de «Boycott, désinvestissement et sanctions» (BDS) contre le système jugé oppressif d’Israël.

Lundi le député socialiste Sylvain Thévoz a déposé une question urgente au Parlement sur ce sujet. Il se dit choqué par la formule employée par Johanne Gurfinkiel: judenrein, terme historiquement associé au vocabulaire nazi signifiant « débarrassé » de toute présence juive. «Utiliser ce mot cela veut dire, « ces gens-là sont des nazis ». Et il va plus loin en disant aux élus municipaux, cantonaux, jusqu’au Conseil d’Etat qui finance ces lieux, « vous êtes complices ». Donc Genève soutient des lieux judenrein, Genève est nazie, ce sont des propos adjectes que je ne peux pas accepter», expose-t-il à notre micro.

La campagne AFZ réagit

Plus de 90 lieux et associations sont identifiés comme adhérant au mouvement. Dont près de 35 dans le canton de Genève. L’Usine, le cinéma Cinélux, le domaine viticole des Hutins ou encore le Tournoi de foot antiraciste sont mentionnés. Ces lieux sont entre autre appelés à «ne pas acheter ni vendre des produits créés dans les conditions du régime d’apartheid, ne pas coopérer avec ou investir dans les entreprises et les institutions gouvernementales et non gouvernementales israéliennes contribuant au maintien d’un régime d’apartheid, rejeter les projets culturels, académiques ou sportifs visant à détourner l’attention du crime d’apartheid », peut-on lire sur leur site internet.

En réaction aux propos de Johanne Gurfinkiel, la campagne AFZ se défend de toute discrimination ou antisémitisme. Emilien Clerc, membre de la campagne, précise: «il faut qu’il y ait de réelles preuves d’une complicité et un lien direct avec une organisation israélienne. On ne va par exemple pas appeler au boycott d’un individu qui fait de la culture et part en tournée en Europe. Par contre on fera cet appel contre le Batsheva, qui est une troupe de danse israélienne qui fait partie des ambassadeurs culturels d’Israël. Dont la promotion est faite par Israël. Nous considérons cela comme de l’art-washing, où le fait de se donner une bonne image en utilisant l’art et la culture».

Frontière fine et floue

Le distingo est vraisemblablement trop flou pour la CICAD qui a publié un communiqué ce mercredi. Dans certains esprits, un seuil a clairement été franchi. «L’utilisation du terme free-zone et le fait de s’en prendre à des biens ou des personnes pour leur origine israélienne pose des questions importantes. On ne doit pas discriminer, surtout à Genève! Le rôle de Genève est de dialoguer, promouvoir la paix et non pas séparer, discriminer et propager la haine» estime le député PDC Sébastien Desfayes.

Car le risque de transformer le boycott en discrimination existe, le député Sylvain Thévoz le concède: «Oui c’est compliqué, c’est délicat et il faut surveiller ces lieux pour qu’ils ne fassent pas n’importe quoi. Évidemment cela ne doit pas être de l’antisémitisme, ne doit pas être discriminant ni exclure des citoyens en raison de leur identité, leur foi ou que sais-je. Mais il ne faut pas dire « c’est des nazis ».» Il renchérit: «moi je me demande si Monsieur Gurfinkiel ne devrait pas au moins s’excuser, voire réfléchir à démissionner pour des propos qui sont inaceptables». La campagne Apartheid-Free Zone envisage quant à elle des poursuites pénales pour diffamation.