Position officielle de la CICAD sur l’affaire du Cinéma Bio de Carouge
Position officielle de la CICAD sur l’affaire du Cinéma Bio de Carouge
La CICAD tient à réaffirmer publiquement sa position à la suite de la décision du Cinéma Bio de Carouge de ne pas accueillir le Geneva International Jewish Film Festival (GIJFF), ainsi qu’à la lumière du communiqué de son directeur, Alfio Di Guardo, et des récents échos parus dans la Tribune de Genève.
Une exclusion fondée sur un amalgame inacceptable
Le cœur du problème reste inchangé : une initiative culturelle juive, genevoise, pluraliste et apolitique, a été écartée par une institution culturelle publique, non pour son contenu mais en raison de son identité perçue.
Le refus du festival s’est appuyé, dans un échange écrit transmis au GIJFF, sur des propos du directeur du Bio indiquant que « le comportement des dirigeants d’Israël jette un voile noir sur toutes les vertus de la culture juive ». Ce raisonnement — même exprimé avec regret par la suite — établit un lien direct entre un conflit international et la légitimité d’une culture minoritaire dans l’espace suisse. Cela constitue un amalgame manifeste, que la CICAD se doit de dénoncer sans détour.
Non, il n’y a eu ni piège ni instrumentalisation
La CICAD a été alertée par les principaux concernés, confrontés à une exclusion fondée sur des motifs jugés inacceptables. Il ne s’agissait pas d’un échange privé sans conséquence, mais bien d’une justification explicite d’un refus, formulée dans un cadre professionnel. La CICAD est intervenue en parfaite coordination avec le festival, avec lequel elle partage une volonté commune de défense des droits culturels. Face à une formulation problématique, perçue comme blessante et discriminatoire, elle a estimé de son devoir d’intervenir publiquement, en cohérence avec sa mission de vigilance. Parler de « piège » est non seulement inexact, mais relève d’un renversement de
responsabilité qui ne sert ni la transparence ni le débat démocratique, tout en déresponsabilisant l’instigateur de cette affaire.
Des regrets exprimés, mais une ligne toujours floue
Le communiqué du directeur évoque des regrets, mais plusieurs de ses affirmations soulèvent de graves ambiguïtés :
• Affirmer qu’il n’y a pas d’amalgame « entre Netanyahou et les personnes de culture juive qui le dénoncent » revient à distinguer entre des Juifs « recevables » — ceux qui se désolidarisent — et les autres. Cette hiérarchisation est inadmissible. Les citoyens suisses de confession juive n’ont pas à être jugés sur leurs prises de position ou leur silence sur un conflit extérieur. Cela revient à instaurer une citoyenneté conditionnelle, que nous rejetons sans appel.
• La référence à « des extrémistes des deux camps » réintroduit une fausse symétrie. Elle suggère que ceux qui dénoncent une exclusion sont aussi radicaux que ceux qui l’exercent. Ce renvoi dos à dos est non seulement injuste, mais trompeur.
• Enfin, l’argument logistique — selon lequel le Bio « n’accueille pas de festivals » — est contredit par les faits, puisque des partenariats ponctuels ont bien eu lieu, y compris avec le GIJFF par le passé.
Le contexte : pression, confusion et réaction
Comme l’a rappelé l’article de la Tribune de Genève du 15 juillet, cette affaire s’est déroulée dans un climat de tensions, d’incompréhensions et de menaces qui ont aggravé les perceptions. Mais il ne faudrait pas que l’émotion du moment serve à justifier l’exclusion d’un festival culturel reconnu pour son indépendance, son pluralisme et son ancrage suisse.
Nous saluons toutes celles et ceux — citoyennes, citoyens, personnalités culturelles, intellectuelles, élus ou anonymes — qui ont exprimé leur soutien au GIJFF avec clarté et dignité. Leurs prises de position rappellent que la critique d’une décision injuste n’est pas une radicalisation, mais un acte de responsabilité civique. Dans un contexte où les amalgames prospèrent, leur engagement renforce les valeurs de liberté culturelle, de respect et de courage démocratique.
La parole politique manquante
La CICAD regrette l’ambiguïté, voire l’absence, de nombreuses prises de position politiques. Face à une mise à l’écart symbolique d’une culture juive, le rôle des élus n’est pas d’équilibrer les affects, mais de protéger fermement les droits culturels, sans se réfugier dans la neutralité confortable.
La culture juive ne doit pas être l’otage symbolique des convulsions internationales. Elle ne doit pas être soumise à un contrôle d’intention ou à une exigence de désolidarisation permanente.
Une plainte en préparation
La CICAD a mandaté un avocat pour examiner les fondements juridiques de cette exclusion, qui pourrait constituer une violation du principe de non-discrimination. Cette démarche se fait dans un cadre réfléchi, sans agitation, mais avec détermination.
En conclusion
L’affaire du Cinéma Bio dépasse le seul cas d’un festival écarté. Elle soulève une question de société : peut-on aujourd’hui, à Genève, refuser un événement culturel juif sans justification artistique ni politique, mais sur la base de projections extérieures ? Si oui, alors c’est le droit à la culture lui-même qui devient conditionnel.
La CICAD continuera de défendre sans compromis le droit des Juifs de Suisse à exister pleinement dans l’espace culturel, sans assignation, sans filtrage, sans soupçon.